Le Formindep dรฉpose de nouveau une requรชte devant le Conseil dโ€™Etat en vue du retrait dโ€™une recommandation de bonne pratique de la Haute Autoritรฉ de Santรฉ รฉlaborรฉe par des experts aux conflits dโ€™intรฉrรชts majeurs.

 

Il sโ€™agit cette fois des recommandations concernant la prise en charge des principales dyslipidรฉmies.[1]

 

Il nโ€™appartient pas ร  notre association de se prononcer sur le contenu de ces recommandations, dโ€™autres parties lโ€™ont fait. Notre requรชte cite ainsi lโ€™avis du Collรจge de la Mรฉdecine Gรฉnรฉrale, pour qui ยซย la mรฉthode dโ€™รฉlaboration pose problรจmeย ยป, et ยซย Les seuils et cibles de ce document vont amener ร  traiter par statine au moins 50% des sรฉniors (ร  partir de 60 ans).ย ยป[2]

De mรชme, la revue Prescrire rejette ces recommandations notamment carย ยซย La HAS a fondรฉ ses recommandations sur un outil dโ€™estimation du risque cardiovasculaire pour lequel il manque une รฉvaluation de qualitรฉ indรฉpendante (โ€ฆ). Ces recommandations incitent ร  une prescription dรฉmesurรฉe de statinesย ยป.

 

Le Formindep entend veiller ร  ce que nos autoritรฉs de santรฉ travaillent en conformitรฉ avec la loi et leurs propres procรฉdures. Celles-ci rรฉsultent des scandales sanitaires passรฉs, et ont รฉtรฉ mises en place pour garantir la qualitรฉ scientifique des recommandations et protรฉger ainsi les patients de traitements non fondรฉs et potentiellement dรฉlรฉtรจres.

 

Force est de constater quโ€™aprรจs lโ€™รฉlectrochoc dโ€™une prรฉcรฉdente dรฉcision du Conseil dโ€™Etat en notre faveur, qui avait conduit au retrait par la HAS de 6 recommandations pour conflits dโ€™intรฉrรชts en 2009, la Haute Autoritรฉ a peu ร  peu repris ses vieilles et mauvaises habitudes.

Dรจs son arrivรฉe ร  la prรฉsidence du collรจge en mars 2016, Agnรจs Buzyn a en effet mis lโ€™accent sur le nombre de recommandations produites par lโ€™Autoritรฉ. Les procรฉdures ont รฉtรฉ rรฉvisรฉes, en abaissant notamment le degrรฉ dโ€™exigence en matiรจre de qualitรฉ des sources et mรฉthodologie dโ€™รฉlaboration.[3]

La HAS a fait le choix dโ€™endosser les recommandations produites par des sociรฉtรฉs savantes le plus souvent financรฉes par les firmes pharmaceutiques concernรฉes, rรฉdigรฉes par des mรฉdecins leaders dโ€™opinion quโ€™elles rรฉmunรจrent, et parfois รฉlaborรฉes sans mรชme mรฉthodologie dรฉcrite ni gradation des niveaux de preuves. La qualitรฉ scientifique des recommandations qui en rรฉsulte nโ€™est pas assurรฉe. Nombre de recommandations reposent en grande partie sur le seul avis dโ€™experts; ce faible niveau de preuves est dโ€™autant plus prรฉoccupant lorsqu’il se cumule avec une absence de transparence et d’indรฉpendance.

La HAS ne parvient pas mรชme ร  satisfaire ร  ses propres exigences, mรชme rรฉguliรจrement abaissรฉes. Ainsi, dans le cas de la recommandation dont nous demandons le retrait, la HAS a-t-elle dรฉsignรฉ un groupe de travail aux nombreux conflits dโ€™intรฉrรชts, majeurs selon les critรจres de lโ€™agence.

Circonstance aggravante, la plupart des experts ont soumis une dรฉclaration publique dโ€™intรฉrรชts mensongรจre, dรฉclarant lโ€™absence de lien dโ€™intรฉrรชts ou omettant des contrats (orateur, expert) passรฉs avec des laboratoires concernรฉs, parfois nouรฉs au cours mรชme des travaux du groupe de travail.

Nous avons donc demandรฉ ร  la HAS de retirer cette recommandation, et, la fausse dรฉclaration รฉtant punie par la loi.[4]ย  , d’en tirer les consรฉquences et de signaler au procureur les faits dont elle avait connaissance, au titre de lโ€™article 40 du code de procรฉdure pรฉnale.[5]

 

Ni le dรฉontologue de la HAS, ni la nouvelle prรฉsidente du Collรจge nโ€™ont pris la moindre mesure depuis notre alerte il y a deux mois. Nos demandes ont รฉtรฉ rejetรฉes, aucune sanction prise contre les auteurs de fausses dรฉclarations, aucune consรฉquence tirรฉe des conflits d’intรฉrรชts qui ont entachรฉ l’รฉlaboration de cette recommandation.

 

Nous avons donc saisi le Conseil dโ€™Etat. Nous espรฉrons que le Conseil dโ€™Etat prรฉcisera la notion dโ€™impartialitรฉ que la loi requiert de nos agences de santรฉ. Nous nous en remettons au droit pour contribuer ร  ce que la HAS se montre enfin, dans son rรดle dโ€™รฉmettrice de recommandations, ร  la hauteur de sa mission de santรฉ publique et de sa qualitรฉ dโ€™autoritรฉ indรฉpendante.

[1] https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-03/dir4/fiche_memo_dyslipidemies_v2.pdf

[2] https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-03/dir5/rapport_dyslipidemies_pour_mel.pdf , page 100/160

[3] exempleย : https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2016-03/c_2016_0049_guide_methodo_rpc_cd_20160309_visasj.pdf

 

[4] Article L1454-2 du Code de la Santรฉ Publique

[5] ยซย Toute autoritรฉ constituรฉe, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un dรฉlit est tenu d’en donner avis sans dรฉlai au procureur de la Rรฉpublique et de transmettre ร  ce magistrat tous les renseignements, procรจs-verbaux et actes qui y sont relatifs.ย ยป