Lettre ouverte à Madame la Présidente de la Haute Autorité de Santé

 

Madame la Présidente,

 

 

La fiche mémo consacrée à l’hypertension artérielle de l’adulte a été validée par le Collège de la Haute Autorité de Santé ce 22 mars 2017.

L’élaboration de ce document semble cependant avoir méconnu les procédures, méthodologie, et règles de prévention des conflits d’intérêts qui s’imposent à la HAS.

 

L’association de la Haute Autorité de Santé à la Société Française d’Hypertension Artérielle (SFHTA) pour la coproduction de ce rapport est en contradiction avec la mission d’expertise indépendante de la HAS. La SFHTA est en effet en situation structurelle de conflit d’intérêts, étant financée par des entreprises commercialisant des produits concernés par cette fiche mémo (Servier, Novartis, Menarini, Bouchara Recordati, Takeda mais aussi acteurs de l’automesure tensionnelle, logiciels et dispositifs médicaux).

Le processus de déclaration des intérêts des membres du groupe de travail semble irrégulier. Plusieurs membres du groupe de travail ne présentaient pas de déclaration publique d’intérêts à jour lors de leur nomination et/ou durant leurs travaux. Plusieurs de ces déclarations d’intérêts sont incomplètes, ainsi qu’une simple consultation de la base Transparence Santé permet de le confirmer pour certains.

Les déclarations d’intérêts fournies par les membres suffisent néanmoins à indiquer des liens d’intérêts nombreux, qui auraient du être qualifiés de majeurs selon le « guide de déclarations d’intérêts et de gestion des conflits d’intérêts » de la HAS. C’est notamment le cas des liens du chef de projet de la SFHTA, Jean-Michel Halimi, principal rédacteur de ces recommandations, ce qui selon la méthodologie fiche mémo de la HAS est pourtant censé constituer un cas d’incompatibilité.

Cette fiche mémo est destinée, selon les propres termes de la note de cadrage, à se substituer aux recommandations professionnelles de 2005. Ces recommandations ont été suspendues par le Collège de la HAS, qui tirait en cela les conséquences de la décision du Conseil d’Etat n°334396. Par cette décision, le CE saisi par notre association sanctionnait le défaut d’impartialité dans l’élaboration de recommandations, dû déjà à un défaut de prévention des conflits d’intérêts. Il est navrant de constater que la Haute Autorité persiste à négliger ses obligations en matière d’indépendance.

Dans ce contexte, le choix d’une fiche mémo et non d’une recommandation professionnelle pose également question. La fiche mémo se caractérise en effet par une procédure allégée. Elle présente de moindres garanties de qualité scientifique. Son éventuel caractère opposable, contrairement aux recommandations de bonne pratique, est également peu clair, aussi notre association vous demande-t-elle qu’il soit précisé explicitement.

Selon la note de cadrage et la note méthodologique, cette méthode ne peut être envisagée que dans des conditions strictes, à savoir qu’elle doit reposer uniquement sur des données « limitées aux recommandations françaises et internationales issues des agences gouvernementales ou indépendantes non financées par l’industrie et aux méta-analyses et revues de la littérature (par exemple, revues systématiques de type Cochrane) ».

A la lecture du rapport d’élaboration, il apparaît pourtant que nombre des 13 recommandations dont cette fiche mémo est censée faire la synthèse ne remplissent aucune des exigences posées par la méthodologie HAS (indépendance éditoriale, méthodologie explicite, gradation). C’est notamment le cas des recommandations de la SFHTA et de l’ESC, qui sont pourtant de loin les plus citées par le rapport d’élaboration et celles qui ont eu le plus d’influence sur le contenu de la fiche mémo finale.

 

La Haute Autorité de Santé fait une nouvelle fois peu de cas de ses propres procédures et de son indépendance, malgré les conséquences délétères que des avis biaisés et de moindre qualité scientifique peuvent avoir sur la santé des patients.

C’est pourquoi, au vu des irrégularités et conflits d’intérêts qui ont entaché son élaboration, l’association Formindep demande le retrait de cette fiche mémo, et la création d’un groupe de travail réellement indépendant de l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux pour rédiger de nouvelles recommandations de bonne pratique, élaborées et gradées selon une méthodologie reconnue (GRADE).

Ce n’est qu’en restaurant son indépendance et une méthode rigoureuse fondée sur les preuves que la Haute Autorité de Santé sera à la hauteur de ses homologues internationaux, et de la mission de protection de la santé publique qui lui a été confiée.

 

Recevez, Madame, l’expression de notre considération,

Association Formindep