La recommandation de la Haute autorité de santé sur le traitement médicamenteux du diabète de type 2 est abrogée ! Le Formindep remporte la première étape de son recours en Conseil d’État contre deux recommandations de la HAS, déposé en 2009, pour non respect des règles de conflits d’intérêts des experts. Cette avancée majeure prend une dimension particulière dans le contexte du désastre du Mediator°, provoqué essentiellement par la dépendance incontrôlée des agences sanitaires aux intérêts des firmes. Les recommandations professionnelles de la HAS font maintenant juridiquement grief. Pour éviter d’autres recours citoyens et retrouver une crédibilité, la HAS doit garantir la qualité de leur élaboration en terme de transparence et d’indépendance de l’expertise. C’est la principale leçon de cette première décision du Conseil d’État, dans l’attente de la deuxième à venir pour la recommandation sur la maladie d’Alzheimer.
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Une avancée décisive dans la gestion des conflits d’intérêts en santé
Ces recommandations dites “de bonne pratique” de la HAS ont une importance majeure dans le système de soins en France. Elles sont censées constituer le socle scientifique sur lequel s’appuie l’ensemble du système de soins. Elles sont utilisées dans la formation universitaire des futurs professionnels de santé, dans la formation médicale continue des médecins, elles servent de références pour la sécurité sociale pour l’élaboration des critères de prise en charge des assurés sociaux; elles sont utilisables et utilisées par l’assurance maladie dans le cadre de ses relations contractuelles et conventionnelles avec les professions de santé (CAPI, références médicales opposables, etc.). Elles sont perçues par les professionnels de santé, les associations d’usagers, les autorités politiques, etc., comme la référence fiable, la “vérité” scientifique sur laquelle ils pensent pouvoir s’appuyer en toute confiance. Compte tenu de cette importance perçue ou réelle, la qualité de l’élaboration de ces recommandations par la HAS, organisme prétendument “scientifique” et “indépendant”, doit être irréprochable, et en particulier les moyens pris pour se protéger des influences commerciales, industrielles ou autres, susceptibles de les biaiser. On mesure l’intérêt extrême pour l’industrie pharmaceutique d’influencer le contenu de ces recommandations à travers ses experts leaders d’opinions manipulés par elle, consciemment ou non, du fait de leurs conflits d’intérêts : à travers des recommandations biaisées par ces conflits, un message promotionnel incitant à des prescriptions inappropriées devient alors une “vérité” scientifique cautionnée par la Haute autorité de santé, qui sera ensuite naturellement diffusée, enseignée, utilisée, promue dans l’ensemble du système de soins. Plus besoin alors pour les firmes de chercher à influencer prescripteurs et patients par d’autres moyens promotionnels puisque l’information est en quelque sorte influencée “à la source”. Le désastre du Mediator° a montré comment de tels agissements peuvent mettre en jeu la santé voire la vie des usagers citoyens. Comme l’Afssaps, la HAS, malgré les demandes du Formindep, a refusé de traiter avec sincérité et compétence cette question de la gestion des conflits d’intérêts de ses experts. Elle s’est réfugiée dans un discours de déni et de mauvaise foi qui saute aux yeux dans son mémoire en défense remis au Conseil d’État en réponse à la requête du Formindep. Le Conseil d’État n’a pas été dupe. Le recours du Formindep et la crise de la grippe H1N1 ont incité la HAS à modifier, dans ses textes et son discours, sa gestion des conflits d’intérêts. Mais, là encore, les actes n’ont pas suivi et les conditions de la nomination de son nouveau président en janvier 2011, de sa déclaration d’intérêts à géométrie variable, ainsi que celle d’autres membres de la Commission de la HAS, montrent comment cette problématique des conflits d’intérêts, pourtant essentielle, continue à être traitée avec désinvolture par la HAS qui n’a toujours pas pris conscience de son importance. Cette première décision du Conseil d’État qui abroge la recommandation sur le diabète de type 2 apporte une confirmation cinglante de cette façon désinvolte et peu sincère dont la HAS aborde cette question. Le Formindep attend avec impatience la décision qui concernera la recommandation sur la maladie d’Alzheimer, dont rien n’indique qu’elle puisse être différente de celle sur la recommandation du diabète. Au plan juridique, la décision du Conseil d’État énonce que les recommandations de la HAS “font grief”, c’est à dire qu’elles sont susceptibles d’être attaquées administrativement par les citoyens lorsqu’elles s’opposent à l’exercice de leurs droits. Elles acquièrent maintenant un statut juridique qui leur faisait d’autant plus défaut qu’elles prenaient une importance de plus en plus grande dans le système de soins. Le Conseil d’État explique que, compte tenu de la mission scientifique de la HAS, ces recommandations sont censées dire l’état actuel de la science médicale, sur laquelle les professionnels de santé doivent déontologiquement fonder leurs soins. Tous les moyens doivent donc être pris par la HAS pour garantir cette scientificité des décisions. L’arrêté du Conseil d’État donne entièrement raison à l’analyse du Formindep qui a estimé que le caractère scientifique de la recommandation sur le diabète de type 2 (ainsi que celle sur la maladie d’Alzheimer) était susceptible d’être altéré par cette mauvaise gestion des conflits d’intérêts. Pour le Conseil d’État la HAS doit donc garantir pour l’ensemble de ses travaux la transparence et l’indépendance des experts qui les élaborent. Il faut noter que le Formindep n’a attaqué que deux recommandations simplement par manque de moyens, mais que de nombreux éléments laissent penser que ce sont la totalité ou presque des travaux de la HAS qui sont susceptibles d’avoir été élaborés de cette façon biaisée. La décision du Conseil d’État laisse la porte ouverte à d’autres recours contre d’autres recommandations actuelles ou à venir. Cette décision du Conseil d’État porte un coup brutal à la crédibilité de la HAS aussi bien auprès des professionnels de santé et des usagers qu’au niveau international, elle qui prétend se mesurer qualitativement aux institutions équivalentes d’autres pays, comme le NICE en Grande-Bretagne par exemple. Tant que la HAS n’aura pas saisi à bras-le-corps et au delà des discours, cette question majeure des conflits d’intérêts en son sein, elle ne sera pas crédible, et continuera à faire prendre un risque sanitaire à la population en produisant des recommandations médicales susceptibles d’être influencées par des intérêts autres que ceux des patients. Compte tenu de l’omniprésence de l’expertise liée aux firmes, on peut craindre que la HAS rencontre des difficultés pour réunir des groupes de travail réellement indépendants pour élaborer certaines recommandations. Cette décision du Conseil d’État devra sans doute amener la HAS à réfléchir à développer une “nouvelle” expertise libérée des firmes au risque de voir certains de ses travaux empêchés. L’action du Formindep met en évidence l’importance d’une action citoyenne résolue, indépendante et compétente pour agir avec efficacité sur des structures engluées dans leurs certitudes et figées dans un déni de la gravité des influences qui s’exercent sur elles. Grâce à cette première décision du Conseil d’État, le Formindep contribue à protéger la HAS et donc la santé publique des influences néfastes qui s’exercent sur elles. Il sera maintenant plus difficile aux firmes d’agir, à travers leurs leaders d’opinion experts, pour influencer le contenu des travaux de la HAS et des décisions et des soins qui en découleront. Pour autant le Formindep n’est pas naïf et sait que cette avancée ne suffira pas à protéger efficacement la santé publique des influences commerciales qui s’y exercent massivement, mais elle constitue une avancée notable. Cette action et le succès de cette première étape doivent être présents dans la réflexion pour éviter d’autres Mediator°, à travers les différentes missions d’information parlementaires et rapports en cours. Il s’agit d’une victoire des soignants libérés des influences industrielles et commerciales, il s’agit d’une avancée citoyenne, démocratique et de santé publique, mais le combat doit continuer à tous les niveaux pour “aider” les autorités sanitaires à respecter leurs missions dans l’intérêt général et protéger, elles mêmes et les citoyens usagers des soins, des ingérences nuisibles des intérêts privés. Les recommandations de la HAS : socle scientifique du système de soins en France…
.. et lieu majeur d’influences pour les firmes
Les conflits d’intérêts : un risque sanitaire dénié par la HAS
Des recommandations qui “font grief” et dont la transparence et l’indépendance doivent être garanties
La HAS : une crédibilité à démontrer
Un succès citoyen et professionnel à conforter et à élargir
c’est un peu long