Communiqué de presse

FORMINDEP – PARIS, le 17 juin 2015 – contact : media@formindep.org

Les propos dithyrambiques sur les nouveaux traitements de l’hépatite C d’un certain nombre d’hépatologues et les conditions d’élaboration des recommandations concernant cette pathologie ont attiré l’attention du Formindep qui a mené l’enquête. Il en résulte un article dense et riche à l’image des conflits d’intérêts révélés, qui questionne sur la passivité complice des pouvoirs publics. http://www.formindep.org/Quand-l-hepatologie-s-enhardit-a.html

En 2014, l’arrivée sur le marché du Sovaldi™ (sofosbuvir) suscite des espoirs démesurés dans le traitement de l’hépatite C. Elle marque également les comptes de l’assurance maladie, puisque l’on a estimé la dépense pour ce seul médicament à 1 milliard d’euros pour l’année 2014 (41.861€ pour 12 semaines de traitement).

Rendu public en mai 2014, le rapport Dhumeaux commandé par la Ministre de la santé devait édicter des recommandations dans la prise en charge des hépatites et notamment déterminer pour quels patients ces nouveaux et onéreux traitements seraient indiqués. Le rapport Dhumeaux préconise le traitement d’une population très étendue de patients. Plus récemment (juin 2015), l’AFEF, Association Française d’Etude du Foie, à laquelle appartiennent les experts du rapport Dhumeaux, a publié une recommandation encore plus maximaliste, proposant de traiter tous les patients porteurs du virus indépendamment du stade de leur fibrose, qui détonne parmi les recommandations d’autres sociétés savantes.

Or, nous constatons que cet arbitrage, qui concerne plusieurs milliards d’euros de dépenses publiques pour les années à venir, a brillé par une absence totale de gestion des conflits d’intérêts. Les experts missionnés ont perçu des avantages que nous avons pris la peine de chiffrer et ils ont eu des contacts répétés avec la plupart des fabricants d’antiviraux à action directe, notamment Gilead qui commercialise le Sovaldi ™ . Ces rencontres ont eu lieu durant toute l’élaboration du rapport et bien au-delà.
Néanmoins, les recommandations du rapport Dhumeaux ont été reprises à l’identique dans l’avis de la commission de transparence de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui a attribué une ASMR 2 (progrès thérapeutique important) et validé ses indications pour le Sovaldi ™. Ce, alors même que le collège de la HAS soulignait par ailleurs l’insuffisance des données fournies par le laboratoire Gilead.

Le Formindep souhaite également mettre en garde contre une communication inappropriée et trompeuse de certains hépatologues sur l’efficacité des nouveaux antiviraux indiqués dans l’hépatite C chronique.

Il est faux et très prématuré de parler aujourd’hui de « guérison complète, totale, définitive », et même simplement de « guérison » ou encore « d’éradication du virus » de l’hépatite C. Ces médicaments n’ont pour l’instant prouvé qu’une efficacité virologique à très court terme (indétectabilité 12 semaines après l’arrêt du traitement) et n’excluent pas les rechutes. Enfin, seuls les traitements à base d’interféron alpha associé ou non à un antiviral, la ribavirine, ont à ce jour démontré leur capacité à réduire la mortalité, les carcinomes hépatocellulaires (cancers du foie), les greffes de foie, les insuffisances hépatiques, l’évolution vers la cirrhose des patients. Cette communication inappropriée de la part de médecins leaders d’opinion est susceptible de générer des attentes irréalistes chez les patients et les soignants.

Le Formindep regrette par ailleurs le mélange des genres qui a présidé à cette communication, la communication de certains experts ayant été intégrée à la campagne des laboratoires, qui visaient à élargir au maximum l’utilisation des ces nouveaux médicaments très rémunérateurs.

En 2015, d’autres antiviraux sont prêts à la commercialisation et devraient profiter de l’effet d’aubaine. Les règles de fixation des prix par le très opaque Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) obéissent en effet à une logique de cartel en garantissant à chacun un prix du même ordre et en excluant toute mise en concurrence de ces produits, pourtant très similaires. Le journal officiel de ce 17 juin inscrit ainsi au remboursement un second traitement, Harvoni, au prix de 45.999,996 € .

Le Formindep appelle aujourd’hui la Ministre de la santé, Madame Marisol Touraine, à prendre position :

- pour le retrait du rapport de recommandations « DHUMEAUX », en raison de l’absence de gestion des conflits d’intérêts de ses rédacteurs.

- pour la réévaluation des avis de la commission de la transparence portant sur les antiviraux à action directe dans l’hépatite C chronique : ASMR et surtout population cible à traiter

- pour une réactualisation des données épidémiologiques de l’hépatite C chronique, ces évaluations ayant été menées sur des données obsolètes

- pour une refonte du site transparence.gouv.fr, corrigeant les lacunes identifiées par le Formindep, qui permette enfin l’application de la loi Bertrand de 2011 qui prévoit la publication du montant des conventions

- pour une révision complète du fonctionnement du CEPS dans le cadre de la loi de santé.

Le Formindep, association pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes, regroupe des professionnels de santé, des patients et des citoyens soucieux de favoriser une formation professionnelle et une information auprès du public dégagées de toute influence d’organismes pouvant avoir d’autres finalités que le seul intérêt des patients. Le Formindep est partenaire de l’opérationhttp://mains-propres-sur-la-sante.fr/

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