Le Formindep a formulé l’un de ses recours en Conseil d’Etat à propos de la recommandation sur le diabète de type 2, qui sert d’étayage scientifique à d’autres documents de cette institution, notamment les guides Affections Longue Durée (ALD).
Ces ALD, au nombre de trente, sont des maladies longues, caractérisées, évoluant depuis plus de 6 mois et nécessitant des soins longs et coûteux (Article L322-3 du code de la sécurité sociale). Elles permettent aux patients l’exonération du ticket modérateur, c’est à dire la prise en charge à 100 % des soins en rapport avec cette affection. Pour ouvrir ce droit, la rédaction d’un protocole est nécessaire. Jusqu’en 2005, n’importe quel médecin prenant en charge un patient pouvait remplir un protocole inter-régime d’examen spécial (PIRES). Depuis 2006, ce protocole de soins est rempli par le médecin traitant, et il doit s’appuyer sur les recommandations de la HAS.
Plutôt que de remplir un document administratif long ce protocole peut, par simplification administrative, ne faire mention que de la liste des actes et prestations de la HAS (cf. l’exemple pris par l’assurance maladie). Le collectif « Voix médicales », s’interroge sur ces simplifications administratives proposées et parfois imposées par la CNAMTS au risque de l’application de recommandations obsolètes et dangereuses. Ici, c’est la réactualisation du Guide Médecin ALD de la HAS, qui retient notre attention.
La HAS élabore à partir de ses recommandations trois outils à destination de l’assurance-maladie pour ses relations avec les assurés et les professionnels de santé :
- un guide destiné aux médecins qui permet de soigner selon les données acquises de la science (ainsi que l’exige l’Article 32 du code de déontologie (article R 4127-32 du code de santé publique),
- une “liste des actes et prestations” (LAP) qui permet leur prise en charge à 100 %,
- et un guide patient qui permet une information de celui-ci.
Trente trois semaines sont nécessaires à la réalisation de ces guides. Outre des experts, les sociétés savantes, l’AFSSAPS, le Service d’Évaluation des médicaments de la HAS et les caisses d’Assurance Maladie sont sollicitées. Beaucoup d’experts et d’institutions hautement qualifiées donc ! En 2007, le guide ALD En 2010 est donc venue l’heure de la réactualisation. Dans la méthodologie de ses guides ALD , la HAS prévoit : « Une actualisation des guides médecins et des LAP est prévue tous les 3 ans. Dans l’intervalle, les listes des actes et prestations (LAP) sont actualisées au minimum une fois par an. Le chef de projet de la HAS qui a rédigé et coordonné l’ensemble du travail sur le guide médecin, assure ensuite une veille médico-scientifique annuelle sur le champ de l’affection considérée, et actualise si nécessaire le guide et la LAP.» Dans le cas de ce guide du diabète, la dernière version datant de juillet 2007, le groupe aurait donc dû fournir une réactualisation en 2010. Or la HAS n’a mis en ligne aucune actualisation. Pourquoi la HAS n’a-t-elle pas réévalué son guide médecin, tout comme sa recommandation de pratique clinique de 2006 ? Depuis 2007 pourtant, les études ACCORD, ADVANCE [Diabète de type 2 et seuil d’Hba1c. Rev Prescr 2008 ; 28(299) :293.]], VADT [[Duckworth W and all. [Glucose Control and Vascular Complications in Veterans with type 2 Diabetes. N Engl J Med 2009; 360:129-139]] et ADDITION [ LauritzenLT, Griffin S. [The ADDITION Study.]] apportent des données qui infirment l’hypothèse du “Lower is better“. Le “lower is better”, qui veut dire « le plus bas est le mieux », parlant habituellement du taux de cholestérol ou d’hémoglobine glyquée HbA1c, impose d’intensifier les actions thérapeutiques, et donc d’ajouter toujours plus de médicaments. Cet objectif qui prévaut depuis plusieurs années est l’un des objectifs majeurs de la recommandation française de la HAS depuis 2006 [[HAS. [Traitement médicamenteux du diabète de type 2. Recommandation de bonnes pratiques. Synthèse. Novembre 2006.]] et du guide ALD de 2007. Par ailleurs, des données invalident l’hypothèse d’un bénéfice de la prescription systématique d’aspirine [ De Berardis et all. [Aspirin for primary prevention of cardiovascular events in people with diabetes: a meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2009; 339:b4531 doi: 10.1136/bmj.b4531]] (indicateur CAPI) [CAPI : Contrat d’amélioration des Pratiques Individuelles de la CNAMTS.]]. L’aspirine n’a d’ailleurs pas d’AMM dans cette indication. Et enfin, une méta-analyse [[Zanchetti Al, Grassi G, Manci G. When should antihypertensive drug treatment be initiated and to what levels should systolic blood pressure be lowered? A critical reappraisal. Journal of Hypertension 2009;27:923-934.]] met sérieusement en doute l’objectif tensionnel très sévère des diabétiques de type 2 (recommandation de grade B), à savoir une pression artérielle inférieure à 130/80. Celui-ci impose de traiter avec plusieurs médicaments, augmentant le risque d’interactions entre les médicaments, d’effets indésirables et cela sans apporter de bénéfice prouvé sur la santé. Une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique [[HAS. [Guide méthodologique. Élaboration de recommandations de bonne pratique. Méthode « recommandations pour la pratique clinique ». Décembre 2010. Page 19.]] c’est à dire sur de faibles niveaux preuves susceptibles de ne pas être confirmés. Les données scientifiques ont donc depuis 2007 été abondantes et permettent de revoir le guide médecin. Ces preuves sont concordantes pour dire que plusieurs objectifs thérapeutiques majeurs concernant l’équilibre glycémique, tensionnel et la prise de traitements associés n’apportent plus les bénéfices escomptés et qu’ils peuvent faire courir des risques à de nombreux patients. Comment expliquer alors que la HAS n’ait toujours pas réactualisé ses travaux ? Mais si la HAS ne bouge pas du côté des bonnes pratiques, que fait-elle du côté du remboursement des prestations ? La “liste des actes et prestations” (LAP) a été actualisée. La HAS a donc ici respecté l’une de ses règles qui prévoit : « Les listes des actes et prestations pour chaque ALD étudiée (y compris celles concernant les maladies rares) sont actualisées au moins annuellement sur le site Internet de la HAS, sans que les guides soient nécessairement actualisés. L’actualisation des listes des actes et prestations a pour objectifs : Pour assumer cette tâche lourde, la HAS prévoit que: «Chaque année, le chef de projet référent réalise une veille à partir des ordres du jour des différentes commissions de la HAS ayant évalué des actes et prestations : commission “Évaluation des actes professionnels”, commission “Évaluation des dispositifs et technologies de santé”, commission de la Transparence et commission “Évaluation des stratégies de santé”. L’objectif est de repérer toute innovation diagnostique ou thérapeutique concernant une affection. La liste actualisée est ensuite transmise en relecture aux services référents des commissions évoquées ci-dessus.» La version de 2010 du LAP ne fait plus référence ni au rimonabant ni à la rosiglitazone. Mais cette liste recommande toujours La HAS en ajoute même d’autres : Les données dont la HAS dispose émanent de ses propres services. Ce sont les avis de la commission de la Transparence de 2007 [ HAS – Commission de la transparence. Relenza°. Avis du 26 Septembre 2007 et du 16 Avril 2008 (Tamiflu), dans lesquelles sont écrits : « – le service médical rendu par Tamiflu° en prophylaxie post-contact dans les populations à risque est faible. – Le service médical rendu par Tamiflu° en traitement curatif chez l’enfant (>1 an) et l’adulte ( – le service médical rendu par Relenza° en prophylaxie post-contact dans les populations à risque est faible.» En 2011, la HAS a donc revu des listes de prestations qui permettent de continuer à rembourser des médicaments sans service médical évident. Et en même temps, alors que des données scientifiques nouvelles et concordantes permettent d’envisager de revoir certaines des recommandations devenues dangereuses pour des patients, la HAS n’a toujours pas révisé ni ces recommandations, ni ces guides ALD. Cela pose clairement la question de savoir quelles sont les priorités de la HAS : la prise en charge de médicaments inutiles ou presque, voire dangereux, ou l’élaboration de recommandations fondées sur des données solides régulièrement réactualisées, et garantes de la sécurité des patients ? A l’heure des vœux, nous formulons celui qu’en 2011, concernant la prise en charge des diabétiques, la HAS tienne ses engagements : fonder ses avis sur des preuves solides et permettre aux patients de bénéficier de médicaments au service médical suffisant et sans risques inutilement pris. En 2008, le Formindep a contraint la HAS par ses recours devant le Conseil d’État à revoir la gestion des conflits d’intérêts de ses recommandations, puis en 2009 et 2010, appuyé par 1000 pétitionnaires, il a porté l’affaire Tamiflu° . Ainsi interpellé, le professeur Degos déclarait sur l’honneur devant le Sénat le 14 Juin 2010: «Mais je vous remercie beaucoup parce que c’est grâce à ces verges que nous nous améliorons. C’est à dire que, nous nous sommes améliorés immédiatement après. Non mais, c‘est vrai. C’est grâce à ces moments difficiles qu’on essaie d’avancer. Voilà. » Le début de l’année 2011 est marqué par la publication du rapport de l’IGAS sur le Médiator°, montrant les carences institutionnelles, autant que le danger de la dépendance avec les industriels. Les questions posées par le Formindep deviennent d’une acuité criante. Espérons que la HAS au delà de ces promesses, s’engage et s’améliore.
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