En Décembre 2009, le Formindep saisissait le Conseil d’état
En mars 2009 dans un article qui a fait date, le Formindep révélait comment la HAS, dans l’élaboration d’au moins deux de ses recommandations parmi les plus importantes, celles sur le diabète et la maladie d’Alzheimer, faisait peu de cas de la législation et de ses propres règles internes sur la gestion des conflits d’intérêts des experts et auteurs de ses documents.
Cette question n’est pourtant ni optionnelle ni secondaire. Du respect de ces règles dépend la scientificité des avis de la HAS et sa crédibilité. Que son nom, haute autorité, ne soit pas seulement un slogan, mais une réalité. Devant le constat de ces graves carences, que l’on peut hélas sans difficulté généraliser à la plupart de ses travaux, et le refus réitéré de la HAS de faire droit à sa demande, le Formindep a saisi en décembre 2009 le Conseil d’Etat, pour demander l’annulation de ces deux recommandations.
Fidèle à son esprit taquin, le Formindep a déposé ce recours le jour où la HAS, durant ses Rencontres annuelles (bizarrement ce lien n’est plus accessible en externe), paradait publiquement et internationalement sur l’indépendance de l’expertise et les conflits d’intérêts. Le chemin du discours à la réalité est parfois difficile !
Tout en feignant publiquement de mépriser ces trublions, la HAS semblait prendre en interne l’affaire plus au sérieux.
En juin 2010, elle faisait parvenir au Conseil d’Etat son “mémoire en défense” contre le recours du Formindep. (Fidèle à son souci de transparence, le Formindep publiera dans les semaines qui viennent ce mémoire de la HAS, en même temps que la réplique qu’il prépare).
Rédigé par un des cabinets d’avocat les plus chers de la place, court-circuitant son propre service juridique, elle révélait ainsi sa crainte que l’action du Formindep n’aboutisse.
L’annulation par le Conseil d’Etat de recommandations de la HAS pour “vice de forme” serait en effet un séisme pour la HAS et sa crédibilité tant nationale qu’internationale. Elle remettrait également en question les édifices sanitaires, médicaux, sociaux fondés sur les travaux de la HAS : les référentiels médicaux sur lesquels s’appuient la sécurité sociale pour sa politique de gestion des risques, ses relations avec les assurés et les professionnels de santé, la formation médicale universitaire et continue, etc. Les conséquences d’une remise en question “officielle” de la qualité scientifique des travaux de la HAS, au motif d’une trop grande perméabilité aux influences commerciales, seraient donc potentiellement graves. C’est d’ailleurs ce que son président Laurent DEGOS reconnaissait implicitement le 14 juin dernier lors de son audition devant la Commission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques pendant la grippe. Il énumérait devant le président AUTAIN et le rapporteur MILON les nouvelles mesures prises par la HAS pour améliorer la gestion des conflits d’intérêts de ses experts. Des mesures décrites dans le rapport annuel 2009 de la commission déontologie de la HAS, publié en mai 2010 sur le site de la HAS (bizarrement encore devenu inaccessible) et dont la HAS s’est peu vantée. Le contenu de ce document constitue en effet une reconnaissance de la pertinence de l’analyse du Formindep et du bien fondé de son action citoyenne pour inciter la HAS à améliorer sa gestion des conflits d’intérêts.
Parmi les initiatives nouvelles présentées dans ce document et exposées à la commission d’enquête, l’éventualité, en cas d’impossibilité de trouver un président de groupe de travail d’une recommandation sans liens d’intérêts, de faire appel à un expert non spécialiste de la question. «C’est une idée qui pour nous ne va pas de soi», concédait devant la commission d’enquête Raoul BRIET, membre de la HAS. Il s’agissait pourtant d’une mesure de bon sens, rappelait le sénateur AUTAIN, et qui rejoint les préconisations du Formindep lors de son audition au Sénat : sortir de la mono-expertise hospitalo-universitaire, diversifier les sources d’expertise en l’ouvrant aux professionnels de santé des soins primaires, garantir une majorité d’experts sans liens d’intérêts dans les commissions et groupes de travail.
Interrogé alors par le sénateur AUTAIN sur le rôle du Formindep dans cette question,
le président de la HAS, Laurent DEGOS, finissait par reconnaître : « Mais je vous remercie beaucoup parce que c’est grâce à ces verges que nous nous améliorons. C’est-à-dire que, nous nous sommes améliorés immédiatement après. Non mais, c‘est vrai. C’est grâce à ces moments difficiles qu’on essaie d’avancer. Voilà »
On peut visualiser ici l’intégralité de l’audition du président de la HAS, (le passage savoureux sur leFormindep et ses verges est à 2mn 10) ou télécharger là en pdf le verbatim de son intervention. C’est donc adoubé par le président de la HAS de sa nouvelle reconnaissance d’utilités publique et sanitaire que le Formindep continue donc d’exercer sa vigilance pour mesurer l’écart entre le discours de la HAS et la réalité de sa pratique, sur la gestion de ce risque primordial que constituent les conflits d’intérêts.
Pour cette rentrée de septembre 2010, c’est François PESTY, membre du Formindep, et surtout responsable de l’Institut PUPPEM, qui met les pieds dans le plat des conflits d’intérêts de la HAS. Il passe à son crible dans son article remarquablement documenté : “Conflits d’intérêts : la mauvaise graisse de la HAS“, le récent rapport de la HAS sur l’efficacité des médicaments hypolipémiants.
Bien que la HAS ne considère pas ce document comme une “recommandation” il n’en constitue pas moins un document officiel et prétendument scientifique, paré d’une “autorité haute” et donc susceptible d’influencer les pratiques et les décisions des professionnels, sur un sujet important, médicalement et financièrement.
L’analyse par François PESTY de ce document et de la gestion des conflits d’intérêts des experts qui l’ont élaboré est accablante. Il conclut : «Il s’agit en définitive de recommandations de stratégie thérapeutique fondées sur le marketing des firmes, qui s’avèrent une pitoyable tentative de « repêchage » de médicaments blockbusters en mal de preuves cliniques.»
Il semble donc que les “verges du Formindep” si elles ont aidé à modifier le discours de la HAS sur la question des conflits d’intérêts soient insuffisantes pour améliorer sérieusement sa pratique.
D’autres recommandations à paraître, comme celles sur le dépistage du cancer du col de l’utérus, semblent également témoigner de son incapacité à se saisir de cette question pourtant essentielle des conflits d’intérêts. Quand la HAS va-t-elle s’engager sincèrement et réellement pour garantir l’indépendance de son expertise et donc la qualité de ses avis ? Quand va-t-elle réaliser que se joue là sa crédibilité scientifique aux yeux des soignants, des patients, de la société, de la communauté médicale internationale ? Quand va-t-elle comprendre que les conflits d’intérêts dans l’information et la décision médicales constituent un risque sanitaire, LE facteur de risque sanitaire actuel, susceptible de se mesurer en terme de morbidité voire de mortalité ?
Quel niveau de “verges” citoyennes, éthiques, professionnelles sera nécessaire pour que la HAS décide de s’engager réellement pour améliorer sa pratique ?
Celles du Conseil d’Etat suffiront-elles, s’il décide de les mettre en œuvre ? Réponse dans quelques mois.
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