La revue Plos One publie le premier classement des CHU français en fonction de leur politique de gestion des conflits d’intérêts. Ce travail a été réalisé par le Formindep.

L’article original est disponible sur leur site ici (en anglais).

Parce qu’ils sont des lieux de recherche, d’enseignement et de soins, les Centres Hospitalo-Universitaires et leur personnel sont particulièrement ciblés par les stratégies marketing des firmes de santé. Ces influences ont un effet démontré sur la pertinence et la qualité de la prise en charge des patients, et constituent un risque sanitaire. Pour la première fois en France, le Formindep a recensé les politiques de prévention des conflits d’intérêts des CHU. L’enquête indique qu’un hôpital sur 2 n’a pas entamé de réflexion. Deux établissements se démarquent par leurs initiatives, les CHU de Toulouse et l’AP-HP (Paris).

Seuls 17 CHU sur 32 ont des éléments d’une politique de prévention des conflits d’intérêts, le plus souvent rudimentaire, puisqu’elle n’est identifiée comme telle que chez 3 d’entre eux. Avec notre cotation, Toulouse est le CHU le mieux noté, avec 24 sur 58 points ; l’AP-HP (Paris) vient ensuite, avec 20 points ; AP-HM (Marseille) 12, Montpellier 11, Poitiers 9, Angers 8.

Seuls Toulouse, AP-HP et AP-HM ont mis en place des règles de contrôle.

Certains items semblent particulièrement négligés : financement d’évènements, formation continue, ghostwriting, déclaration obligatoire des liens d’intérêts, transparence de la recherche. Certains items font l’objet d’une plus grande vigilance des CHU: avantages en nature, conférenciers, achats de matériel, autorités de régulation.

Le constat est donc somme toute modeste. Si le retentissement médiatique d’enquêtes précédentes et d’un travail assidu du Formindep a permis l’émergence d’initiatives, celles-ci restent ponctuelles, souvent rudimentaires. Un CHU sur deux n’a pas de politique identifiable, et le taux de réponse a été faible. Selon le Dr Christian Guy-Coichard, investigateur principal : « La répétition de cet exercice pourra néanmoins inciter les CHU à se doter enfin de politiques globales de prévention des conflits d’intérêts, à l’exemple des facultés de médecine. Les CHU français peuvent et doivent faire mieux pour la prévention des conflits d’intérêts ! »

A propos de l’étude
Les formes d’influences des firmes de santé au CHU sont diverses: liens d’intérêts développés avec les médecins (y compris cumul avec un emploi de consultant pour une firme), mais aussi directement avec des associations de service, l’hôpital ou une fondation d’établissement. Partenariats de recherche posant des risques quant à l’indépendance académique (intervention, voire contrôle par le promoteur industriel d’étapes clés de l’essai, dont le protocole et les données, accords de confidentialité stricts). L’aspect le plus spectaculaire reste l’omniprésence des délégués commerciaux dans tous les hôpitaux, qui assurent régulièrement la « formation » initiale des externes, internes et
continue des professionnels. Ces diverses formes d’interactions à finalité commerciale ont été reliées dans de nombreuses études à une altération de la prise en charge des patients.

Contrairement à la Grande-Bretagne, la France ne s’est pas dotée d’une politique globale de prévention des conflits d’intérêts dans ses hôpitaux. Les lois successives (loi DMOS dite anti-cadeaux de 1993, loi Bertrand de 2011, loi de modernisation de 2016) n’ont pas entamé la densité ni réellement l’opacité des relations entre industriels et médecins.

Si quelques enquêtes ont fait un état des lieux des politiques de prévention des conflits d’intérêts, dans les facultés de médecine aux Etats-Unis (AMSA 2011), Australie (2011), Canada (2013), France (Formindep 2016 et 2018); et auprès d’hôpitaux aux Etats-Unis (AMSA 2014), rien n’avait été encore fait concernant les hôpitaux en France. L’exemple des facultés de médecine a pourtant démontré que de telles enquêtes permettaient une prise de conscience: la conférence des doyens des facultés de médecine a ainsi adopté une charte de déontologie suite au classement Formindep 2016.

Le Formindep a donc choisi de lancer, soutenir et financer une enquête similaire au sein des CHU.

Méthodologie
Un groupe de travail a rédigé, sur le modèle des enquêtes concernant les facultés de médecine, et celle de l’AMSA sur les hôpitaux américains, une liste de 20 critères évaluant les politiques d’indépendance des 32 CHU et CHR français. Ces critères explorent le financement par les entreprises d’actions de formation, de promotion, d’aides diverses, de recherche; l’accès des entreprises à l’hôpital; la déclaration des liens d’intérêt; les politiques effectives et moyens de contrôle des hôpitaux.

La recherche a été effectuée par sollicitation répétée des hôpitaux, et par screening de leurs sites web et de leurs règlements intérieurs, et s’est close fin décembre 2017. Une double évaluation a ensuite conduit à une cotation et un classement des CHU.

Contacts:
Dr Christian Guy-Coichard (administrateur du Formindep, coordinateur de l’étude), Paris : classement.chu@gmail.com.