Projet de décret modificatif du Sunshine Act
Le Formindep a été récemment sollicité par la Direction Générale de la Santé (DGS) pour donner son avis sur un projet de décret modificatif du décret ditSunshine Act. Ce projet continue à vider de son contenu la loi Bertrand du 29 décembre 2011 qui était censée donner des réponses efficaces pour que le scandale du Mediator® ne se reproduise jamais. Manifestement le ministère de la santé n’a pas retenu la leçon, il protège davantage les intérêts des firmes pharmaceutiques que ceux de la santé publique.
Nous publions ici les commentaires adressées par le Formindep à Madame Catherine CHOMA sous directrice de la politique des produits de santé à la DGS
Madame,
Veuillez trouver ci-dessous les commentaires de l’association Formindep pour faire suite à votre demande concernant le projet de décret modificatif 2013-414 que vous nous avez soumis.
Le rappel des circonstances de rédaction de la loi Bertrand 2011-2012 du 29 décembre 2011 est nécessaire afin de s’assurer que les décrets d’applications servent bien l’esprit et le texte de la loi.
Les rapports de l’IGAS, la mission commune d’information sur le Médiator® ont mis en évidence l’importance de l’opacité des liens d’intérêts et le manque d’indépendance des décisions des autorités de régulations du fait des influences industrielles subies. Le texte de la loi Bertrand se veut une réponse aux graves dysfonctionnements du système de santé et du circuit du médicament révélés par le scandale du Médiator®, pour garantir la transparence et l’indépendance des différentes parties prenantes, des experts aux agences de santé.
L’association Formindep dont l’objet est de promouvoir une information et une formation indépendantes au seul profit de la santé des personnes a déjà soulevé les importantes insuffisances du décret 2013-414 dans son mémoire de requête en annulation au Conseil d’Etat, qu’il a déposé le 22 juillet 2013. En effet, le décret initial 2013-414 dit Sunshine Act dénature la loi en soustrayant en particulier de l’obligation de transparence des liens d’intérêts, les conventions commerciales signées entre les professionnels de santé et les firmes. Ce décret, loin de défendre l’intérêt de la santé publique, défend celui des firmes.
Le projet de décret modificatif que vous nous soumettez ici dresse des obstacles supplémentaires à l’encontre des citoyens, des professionnels de santé, des médias. En effet, il rend encore plus inaccessible les données pertinentes concernant les liens des professionnels de santé déclarés par les firmes.
Nous exposons ci-dessous nos remarques pour chacun des articles du décret :
- L’Article R.1451-3
La formulation reprise dans le décret modificatif « et la confidentialité des déclarations d’intérêts qui ne sont pas rendues publiques. » mérite d’être précisée et sans doute restreinte aux seules déclarations nominatives d’intérêts familiaux. En effet, il ne faudrait pas qu’elle englobe les déclarations de plus de 5 ans et de moins de 10 ans qui bien que non publiées en ligne restent des déclarations publiques. Au sens de la loi du 17 juillet 1978, portant sur les mesures d’amélioration de relations entre l’administration et le public, elles ne sauraient être confidentielles.
- L’Article R.1453-2
Seuls les avantages octroyés et les conventions signées avec des personnes seront à déclarer. Les associations, établissements, fondations, sociétés, organismes ou organes pourtant mentionnés au I de l’article L. 1453-1 seront exemptés de cette déclaration. Si tel devait être le cas, cela signifie que le financement des sociétés savantes, des associations hospitalières, associations de patients, organismes de formation professionnelle par les firmes commercialisant ou produisant des produits de santé ne sera pas rendu public. L’influence des firmes pourra ainsi continuer à s’exercer en toute opacité sur ces secteurs clés comme elle s’était déjà exercée dans l’affaire du Médiator®.
Si l’énumération n’apporte, rien il faudrait la substituer par l’expression « personnes morales et physiques mentionnées au 1 de l’article L4153-1 »
- L’Article R.1453-3
I,1°,a)
Le maintien du titre du professionnel de santé est nécessaire. Les obligations des professionnels de santé relatives aux conventions peuvent différer selon leur titre, en effet un PUPH doit en informer la direction de son hôpital.
I,4°
L’introduction des champs de données organisateur, nom, date et lieu de la manifestation est bienvenue. Cependant, la donnée du programme permet seule de déterminer l’objet de l’intervention du professionnel. Elle doit être maintenue.
- L’Article R.1453-5
La proposition pour que les firmes puissent transmettre les déclarations jusqu’à 7 mois après la signature de la convention est inacceptable et incompréhensible. En effet ces mêmes avantages et conventions sont transmis au conseil de l’ordre deux mois avant leur entrée en vigueur, et leur exécution est confirmée dans le mois qui suit, comme le stipule l’article R.4113-107-1 du CSP. Il s’agit d’un obstacle inutile et injustifiable à la transparence des données. Il faut donc maintenir l’article R.1453-5 en l’état.
- La suppression de l’Article 3 du décret 2013-414
La participation des Ordres professionnels à la publication des avantages et conventions est prévue dans le texte de loi. Le site actuel du Conseil de l’Ordre des médecins permet la centralisation des données, nous constatons que les formats utilisés par les sites des entreprises sont délibérément inutilisables. Nous demandons le maintien de l’article 3, sa suppression signifierait de fait la fin de la transparence.
- L’Article 4 du décret 2013-414
Le délai accordé pour que les données de 2012 puissent être publiées au 1er octobre 2015 est injustifié, il constitue un obstacle inacceptable à la transparence. Les entreprises ont déjà fourni ces mêmes données aux ordres, ainsi qu’à la DGS qui est techniquement déjà en mesure de les mettre en ligne. Rien ne justifie donc d’organiser leur rétention jusqu’en août et octobre 2015.
La possibilité laissée aux firmes de ne pas publier sur un site publique les avantages est inacceptable et doit être supprimée.
Les publications des entreprises d’un même groupe devraient être rassemblées sur un site unique au groupe sans qu’il leur soit autorisé de les disperser sur les sites de leurs filiales.
Il s’agit là, Madame CHOMA, de l’analyse du projet de décret modificatif par notre association Formindep.
Nous pensions que la direction générale de la santé avait pour mission première la défense de la santé publique. Nous constatons malheureusement que les derniers textes réglementaires que vous nous avez soumis ces derniers mois pourraient avoir été écrits par les industriels des produits de santé eux-mêmes tant ils défendent leurs intérêts aux détriments de ceux de la santé publique. Nous le regrettons amèrement.
Veuillez rester assurée, Madame CHOMA, de notre vigilance et notre engagement à défendre l’indépendance de la formation et de l’information médicale pour le seul intérêt de la santé des personnes.
Respectueusement,
Philippe MASQUELIER
Président du Formindep
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