Comme mes collègues, j’ai eu la malchance d¹être sollicité pour me rendre à un congrès de cancérologie franco-cubain qui s’est déroulé à la Havane du 6 au 11 novembre 2005. Cette lettre a pour but de solliciter l’interrogation voir le doute sur l’intérêt scientifique d’une telle manifestation. Voici quelques remarques qui, je le souhaite, retiendront votre attention : – Est-il vraiment nécessaire de déplacer une centaine de médecins français sur le continent cubain afin d’améliorer leurs connaissances médicales ? – Ne serait-il pas plus simple d’effectuer un tel congrès dans un lieu anodin, situé en France (Evreux par exemple), plus propice à une réflexion médicale de qualité qu’une cure de farniente sur les plages cubaines. Suite probablement à des remarques du conseil de l’ordre, une participation financière a été demandée aux participants, néanmoins à la lecture de l’annonce de ce congrès, il est possible de compter 63 orateurs, ce qui fait que peu nombreux sont ceux qui devront s’affranchir de cette somme. Je souhaite que les orateurs soient moins nombreux que les spectateurs mais ce point n’est pas acquis. Compte tenu de la démographie médicale française, compte tenu du nombre de patients que nous devons traiter, compte tenu du nombre de congrès auxquels nous sommes sollicités et dont on peut discuter la qualité, est-il raisonnable qu’une centaine de cancérologues s’absentent pendant une semaine pour de telles formations médicales ? En effet, l’absence d’une centaine de cancérologues pendant une semaine, entraîne une carence de consultations préjudiciables pour nos malades. Si un cancérologue voit chaque jour ouvrable, en moyenne 25 patients, il suffit de multiplier 25 x 5 x 100 et vous imaginez le nombre de patients qui auraient pu bénéficier d’une consultation plus précoce. Il est facile de dire par la suite que les cahiers de rendez vous sont pleins et qu’il n’est pas possible d’obtenir des rendez vous rapides dans tel ou tel institution. Notre rôle est aussi de réduire les filières d’attente. Le choix du pays m’interpelle, en effet Cuba n’est probablement pas une région des plus favorisées. Je souhaite que les participants à ce congrès prennent le temps de rencontrer la population et ne restent pas pendant toute la durée du congrès dans les palaces cubains qui n’ont rien à voir avec la réelle vie de ses habitants. A l’inverse de mes collègues participants, je crois que nous devons retrouver un peu plus d’éthique dans nos manifestations scientifiques et ne pas céder à cette activité d’onco-tourisme subventionnée, néfaste pour l’image de marque de notre profession. Mon propos rejoint le problème de la formation médicale continue, sans mobilisation de notre part le risque est que cette dernière soit prise en charge par l¹industrie pharmaceutique avec une information ciblée incompatible avec une pratique de qualité. Au moment, où nous discutons des nécessaires économies de santé afin de pérenniser notre beau système de santé ouvert à tous, il convient de garder à l’esprit que tant que les marges des laboratoires permettront de déplacer 200 médecins tous frais payés à Cuba pendant une semaine ces dernières doivent être revues à la baisse. A contrario ces marges doivent permettrent la poursuite des programmes de recherche et développement qui ont permis le phénoménal essor de la pharmacologie anticancéreuse ciblée de ces dernières années. Je reste persuadé que les présidents de ces groupes pharmaceutiques préfèrent investir dans ces actions de recherche plutôt que dans une néfaste concurrence entre laboratoires visant à organiser la meilleure « rave party oncologique ».