Un article récent du New-York Times dont le Formindep propose la traduction révèle comment l’industrie pharmaceutique a étouffé les résultats d’un grand essai clinique, l’essai ALLHAT, qui aurait dû bouleverser le traitement de l’hypertension artérielle, en améliorant la prise en charge des malades et faisant économiser des milliards d’euros, compte tenu de la fréquence de cette maladie dans le monde. En France, l’analyse par le Formindep des données de l’assurance maladie confirme également l’absence d’impact de cet essai sur les prescriptions de médicaments antihypertenseurs. Une preuve supplémentaire de l’efficacité du travail de désinformation de l’industrie, de la réceptivité des professionnels de santé à cette désinformation, et de la défaillance des autorités sanitaires et de sécurité sociale pour la contrer.
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Un essai déterminant
L’essai ALLHAT, publié fin 2002 aux Etats-Unis et financé par l’argent public, aurait dû modifier profondément le traitement de l’hypertension artérielle (HTA) dans le monde. Cet essai, qui reste toujours d’actualité, a démontré avec un haut niveau de preuves que les médicaments les plus efficaces pour prévenir les complications cardiovasculaires de l’HTA sont les plus anciens et les moins chers : les diurétiques, en particulier un diurétique thiazidique : la chlortalidone. Cet essai a comparé la chlortalidone à trois autres médicaments antihypertenseurs de classes thérapeutiques différentes et largement prescrits : -* un inhibiteur calcique, l’amlodipine (Amlor° en France), -* un inhibiteur de l’enzyme de conversion, le lisinopril (Zestril° ou Prinivil° en France), -* un alpha-1-bloquant, la doxazosine (Zoxan° en France mais qui n’est plus prescrit dans cette indication du fait de ses risques cardiaques). Aucun de ces médicaments n’a démontré une efficacité supérieure à risque comparable pour prévenir les complications cardiovasculaires de l’HTA par rapport au diurétique chlortalidone.
La contre attaque de l’industrie pharmaceutique
Voilà donc un essai indépendant, financé par l’argent public, à la méthodologie inattaquable, qui démontre que le médicament le plus ancien, le moins cher, généricable, fait mieux que toutes les « innovations » de l’industrie pharmaceutique pour soigner une des maladies les plus répandues dans le monde. Les firmes pharmaceutiques ne pouvaient pas rester sans réagir. Et elles ont réagi. L’article paru le 28 novembre 2008 dans le New York Times raconte comment l’industrie pharmaceutique, Pfizer en particulier, a tout fait pour étouffer et discréditer les données de cette étude. Cet article, le Formindep vous en propose une traduction Quel a été l’impact de l’essai ALLHAT en France ? Les prescriptions de diurétiques ont-elles augmenté à partir de la publication de l’essai ? Celles des autres antihypertenseurs se sont-elles réduites ? Les médecins français sont-ils davantage influencés par les données de la science que par la publicité des firmes, comme l’affirment leurs leaders d’opinion ? [Rappelons les propos du Dr Bernard Ortolan, président du conseil national de la formation médicale continue, qui expliquait en [mars 2006 lors de son audition devant le Sénat dans le cadre du rapport : « Les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments – Médicament : restaurer la confiance » que « les médecins (…) sont capables, à n’en pas douter, de distinguer l’information scientifique de la publicité« . Capacité supposée des médecins qu’il met durement à l’épreuve à travers ses collaborations avec l’industrie pharmaceutique sur ses sites de « formation » médicale : par exemple blog-fmc financé par Pfizer, ou Radio IFM financé par Sanofi-Aventis.]] Les autorités sanitaires et d’assurance maladie ont-elles pris les moyens de diffuser auprès des soignants les résultats de cet essai ? Des milliards d’euros d’économies étaient en jeu, en plus de l’amélioration de la prise en charge des patients [selon [une étude états-unienne publiée dans le JAMA en 2004, si les prescriptions pour le traitement de la seule hypertension artérielle étaient basées sur une information scientifique indépendante des influences commerciales, cela permettrait d’économiser 1,2 milliard de dollars (900 millions d’euros) chaque année aux Etats-Unis !]]. Comment laisser passer une telle opportunité ? Dès 2003 les résultats d’ALLHAT étaient connus en France et la revue Prescrire s’en faisait l’écho dans un article paru en avril 2003 [[ « Hypertension artérielle : diurétique en première ligne« , revue Prescrire, n°238, pages 299-301 – avril 2003 ».]]. Impossible, donc, pour des professionnels de santé et des autorités responsables de passer à coté. La chlortalidone utilisée dans l’étude ALLHAT n’est plus commercialisée en France comme spécialité unique [[En France la chlortalidone n’est plus commercialisée depuis le milieu des années 90 – pourquoi ? – Il existe encore une forme associée avec de l’aténolol, autre antihypertenseur de la classe des bêtabloquants. La chlortalidone est encore commercialisée en Suisse et en Belgique sous la marque Hygroton°]]. Le diurétique thiazidique de référence pour le traitement de l’HTA est l’hydrochlorothiazide commercialisé sous la marque Esidrex°. Ce médicament mis sur le marché en 1960, ne coûte que 7,5 centimes d’euros le cp de 25 mg (boîte de 90), qui est la dose maximale habituelle journalière. Parfois une dose de 12,5 mg suffit et le traitement coûte alors moins de 4 centimes d’euros par jour. Aucun médicament antihypertenseur n’est moins cher en France. Certains plus récents, plus « innovants » selon la terminologie du marketing industriel, coûtent jusqu’à 20 fois plus chers [[Parmi eux le losartan commercialisé sous la marque Cozaar°, de la classe des antagonistes de l’angiotensine II, et dont le coût de traitement journalier est de 1,43 euro sous la forme 100 mg.]]. A ce jour aucun d’entre eux n’a démontré une meilleure efficacité que les diurétiques thiazidiques. Pour simplifier, la plupart des patients hypertendus y compris les diabétiques[[ Voir : « HTA : diurétique en première ligne, même chez les diabétiques« , revue Prescrire n°264, page 615 – septembre 2005]], devraient avoir rencontré, durant leur parcours d’hypertendu, au moins une fois un diurétique, et particulièrement l’hydrochlorothiazide en France, sauf contre-indication. Il est bien sûr possible, comme tout médicament, qu’il soit mal supporté, ou qu’il se révèle inefficace ou insuffisant dans la durée. Il est normal alors de le remplacer ou de l’associer à un autre médicament d’un classe différente. Selon l’étude d’octobre 2007 publiée par l’assurance maladie [[Point de repère n°10 « Hypertension artérielle et facteur de risques associés : évolutions des traitements entre 2000 et 2006« .]] environ 41 % des patients traités pour HTA en 2006 recevaient un diurétique thiazidique. Voir tableau.Et en France ?
Effet nul
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