Il était une fois une dame qui ne s’en laissait pas conter: si elle s’intéressait à sa santé et à tous ceux qui parlaient en son nom, elle s’intéressait aussi à ceux qui respectaient les lois de la République.

Il était aussi une journaliste qui s’endormait facilement sur la certitude des autres: elle était d’ailleurs très sûre d’elle grâce à sa longue expérience pour traiter d’un sujet aussi sensible que celui de la santé; remettre en question la fiabilité de ses sources lui était d’ailleurs insupportable.

Il était enfin un professeur qui était, à n’en pas douter, encore plus sûr de son fait: il ne savait mesurer son objectivité qu’à la hauteur de son titre, de sa réputation et de sa compétence à discourir longuement; déclarer ses liens d’intérêts à un citoyen lambda était finalement un exercice plus difficile que de le faire dans une revue scientifique.

C’est ainsi que l’une envoya un commentaire plein de bon sens sur l’article d’un grand quotidien, l’autre monta sur de grands chevaux ridicules et s’en plaignit au dernier qui, lui même blessé dans un orgueil de mandarin, joua l’indépendance sans réelle transparence. L’échange de mails qui suit est précisément retranscrit d’une réalité qui dépasse la fiction: voici comment on se fait agresser lorsqu’on demande l’application d’une loi de la République. Toute ressemblance avec des personnages existants n’a rien de fortuit et les acteurs, par décence, conserveront leur masques.<doc435|left> La qualité des réponses en dit long sur la difficulté de communiquer: sécheresse offusquée d’une journaliste qui fonctionne par réflexe en mode on ou off, suffisance vexée d’un professeur qui écrase le dialogue dans un cours universitaire, fraicheur et finesse sans candeur d’une lectrice plus indépendante que les deux autres de leurs conflits d’intérêts personnels.

Merci à la dame d’avoir apporté avec ce témoignage la preuve que la critique ne doit pas être un droit réservé et que l’information (et la formation) doit procéder d’un échange immanent égalitaire et non transcendant autoritaire. Si la morale de l’aventure se trouve autant dans le respect de la loi que dans le respect de l’éthique, l’autre leçon sérieuse que nous enseigne la dame est peut-être bien dans sa remarque finale où elle révèle à travers l’archaïsme d’un mot celui de l’homme qui l’utilise.

 Thierry GOURGUES

De : la dame (dame2@yahoo.fr) – Envoyé : mardi 1 décembre 2009 10:43 – À : la journaliste (lajournaliste@lejournal.fr) – Objet : Réaction à votre article du 29/11 Bonjour,

Merci pour votre article (http://www.lejournal.fr/fr/france-monde/article/2236107,129/Un-virus-mutant-avait-tue-un-jeunedelaville.html). Vous donnez la parole au professeur le professeur , chef du laboratoire de virologie du CHU de Saint-Hopital.

Vous n’ignorez pas qu’en vertu de l’article 26 de la loi du 4 mars 2002 codifié L 4113-13 du code de la santé publique les professionnels de santé qui s’expriment publiquement sur un produit de santé, doivent déclarer leurs liens avec les entreprises qui fabriquent ou commercialisent ces produits. Comme ce professeur en question ne déclare rien de tel j’en conclus qu’il n’en a aucun (de ces liens). J’espère simplement que ma conclusion n’est pas trop hâtive parce qu’il arrive que nombre de praticiens s’exonèrent aisément, hélas, de cette obligation… C’est du moins ce qu’il ressort de cette enquête dont je vous propose la lecture : http://www.formindep.org/L-enquete-du-Formindep.

Aussi me permets-je de vous poser  ces quelques questions : vous-même, avant de lui donner la parole, vous vous êtes enquise auprès de lui de ces hypothétiques liens ou bien est-ce que vous considérez que ce n’est pas votre rôle  ? Quelle est votre position à ce sujet ?

Salutations

La dame

De : la journaliste (lajournaliste@lejournal.fr) – Envoyé : mardi 1 décembre 2009 23:25 – À : la dame (dame2@yahoo.fr) – Cc : le professeur (professeur@chu-st-hopital.fr) – Objet : Re: Réaction à votre article du 29/11

Votre réaction ne manque pas de m’étonner. En aucun cas le Professeur n’a fait l’apologie d’un médicament nommé, il a répondu à ma question sur la pertinence d’un vaccin, sans qu’une marque de laboratoire ne soit citée. Il a le droit d’avoir des convictions et de répondre à une journaliste. Pour avoir interviewé plusieurs fois ce professeur de virologie, je n’ai aucun doute sur sa probité. Quand je rédige un article sur le don d’organes qui permet de sauver des vies et que j’interroge un chirurgien, vous ne m’écrivez pas pour me demander si mon interlocuteur est honnête. J’aimerais savoir qui vous êtes, la Dame . Vous pouvez aussi me téléphoner, ma ligne directe: 00 00 00 00

La journaliste , journaliste depuis 32 ans

De : le professeur (professeur@chu-st-hopital.fr) – À : la dame (dame2@yahoo.fr) – Cc : la journaliste (journaliste@journal.fr) – Envoyé le : Mar 1 Décembre 2009, 23 h 52 min 22 s – Objet : RE: Réaction à votre article du 29/11

Madame, Puisque vous semblez douter de mon indépendance vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, veuillez trouver une copie de la déclaration publique d’intérêt

[[En fait, la déclaration publique d’intérêt (DPI) fournie était celle de 2007/2008, mise à jour 2009; le professeur a omis de présenter les DPI bien fournies de 2005 et 2006 ( http://www.hcsp.fr/docspdf/docext/dadpi2007.pdf ) – Th. G.]] que je fais chaque année à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en temps qu’expert virologue. Je ne suis lié financièrement à aucun groupe pharmaceutique et je recommande la vaccination grippale en toute indépendance au nom des convictions qui sont les miennes en tant que médecin et spécialiste en virologie, de l’utilité, de l’efficacité et de l’innocuité des vaccins en général et de la vaccination grippale vis-à-vis du virus pandémique A/H1N1 en particulier. Vous avez le droit de penser différemment mais il est assez désobligeant pour moi de douter de mon honnêteté scientifique.

Avec mes hommages.

Dr le professeur , Professeur à la Faculté de Médecine de Saint-Hopital, Chef de Service de Bactériologie-Virologie Hygiène du CHU de Saint-Hopital, Membre du Haut Conseil de la Santé Publique

De : la dame (dame2@yahoo.fr) – À :  le professeur (professeur@chu-st-hopital.fr) – Envoyé le : Mer 2 Décembre 2009, 22 h 05 min 45 s – Objet : Re : Réaction à votre article du 29/11

Monsieur,

J’écris à une journaliste du Le Journal et mon courrier se retrouve chez vous ? Le procédé me paraît un peu cavalier si vous me permettez cette litote (vos vies privées ne me regardent pas, sans doute, néanmoins s’asseoir ainsi sur le secret de la correspondance, passons…). Mais puisque vous m’en donnez l’occasion je tiens à  vous remercier pour vos précisions, même si je ne vous en demandais pas, ainsi que vous assurer de mon profond respect et ma haute considération puisque vous m’en imputez le doute. Alors que nulle part je ne mets en cause votre” indépendance”, ni votre “honnêteté scientifique”. J’ai même écrit le contraire. Et, me relisant, je ne comprends vraiment pas votre interprétation. Et elle me navre parce qu’elle est erronée.  J’ai simplement fait remarquer, à la seule journaliste en question, que nombre de praticiens, contrairement à vous donc, ne respectaient pas la loi, à preuve cet article de Formindep que je lui fournissais en lien. Et je lui demandais ce qu’elle en pensait, ainsi que sa pratique à elle par rapport à ce problème. C’est tout. En réponse elle vous envoie mon courrier dans le même temps qu’elle monte sur ses grands chevaux  (n’étant pas journaliste canonique au Le Journal je ne vous adresse pas sa réponse, j’en citerai juste quelques mots), se drape dans sa dignité offusquée (“32 ans de journalisme” pensez…) et évoque, sans doute pour éluder, je ne sais quels… “dons d’organes” !(???) Passons… Je vous sais gré, en outre, de me faire part de vos convictions personnelles, même si elles ne me regardent pas et qu’elles ne faisaient pour moi aucun doute. Pour ce qui me concerne je n’en ai aucune et je vous remercie par conséquent de ne pas me prêter l’intention d’en avoir et qui seraient différentes des vôtres. Je me permets, pour conclure, de vous demander si ce sont vos convictions personnelles, votre croyance, ou vos travaux, votre pratique, qui vous permettent de dire  :” Ce vaccin est un miracle de technologie, un produit sûr et efficace. On a eu la chance d’en bénéficier dans un délai assez bref, il ne faut pas le bouder. En outre, c’est la seule façon d’empêcher le virus de circuler et donc de muter.” En un mot, est-ce le croyant qui parle ou le scientifique ?

Salutations La dame (je n’ai pas cru devoir répondre à la réponse de la journaliste, je n’ose croire que cette réponse à la vôtre fera double emploi ?)

De :  le professeur (professeur@chu-st-hopital.fr) – À :  la dame (dame2@yahoo.fr) – Envoyé le : Dim 6 Décembre 2009, 5 h 45 min 37 s – Objet : RE : Re : Réaction à votre article du 29/11

Madame,

Merci pour avoir ouvert ce dialogue et pardon si j’ai mal compris votre message. Je tenais seulement à vous dire que ma conviction ne reposait pas sur des intérêts mercantiles mais sur des arguments scientifiques sur les vaccins en général et la vaccination grippale en particulier. Je vous joins un bref argumentaire rédigé sur le sujet. Je tiens à votre disposition les publications scientifiques qui fondent ces arguments. Je reste à votre disposition et vous assure de mes hommages respectueux. <doc427|right>On peut résumer l’argumentaire des adversaires de la vaccination grippale en 3 points auxquels je vais essayer de répondre brièvement: blablabla blablabla et trente lignes et patati et patata et vingt encore et blablabla blablabla et patati et patata et les trente dernières (cliquez sur l’image pour le texte complet). Voilà ce que l’on peut dire objectivement (et je ne suis sponsorisé par aucun fabricant de vaccins, je le jure !). Cela dit, la vaccination reste un acte libre. Après s’être informé du mieux possible, chacun choisit en son âme et conscience. Nous, experts en virologie, sommes un peu dans la position des vulcanologues qui conseillent l’évacuation d’une ville menacée par l’explosion d’un volcan ; même si ce que nous craignons ne se produira pas forcément avec une telle gravité, il est de notre devoir d’informer et même d’inquiéter raisonnablement. [[La phrase est remarquable dans la bouche d’un soignant dont le devoir est d’abord de ne pas nuire! Est-ce que “inquiéter raisonnablement”, c’est apporter une “information loyale, claire et appropriée” aux personnes qu’il conseille – article R.4127-35 du code de la santé publique- ? Th. G.]].

A bon entendeur …

Pr le professeur

De :  la dame (dame2@yahoo.fr) – À :  le professeur (professeur@chu-st-hopital.fr) – Envoyé le : Dim 6 Décembre 2009, 14 h 09 min 56 s – Objet : Re : RE : Re : Réaction à votre article du 29/11

Monsieur,

C’est moi qui vous remercie, d’abord de prendre sur votre temps pour répondre, ensuite de la qualité de cette réponse, enfin d’avoir la gentillesse de bien vouloir appeler “dialogue” les interrogations profanes qui sont les miennes et les réponses professionnelles du scientifique confirmé que vous êtes. Votre argumentaire est très riche et je suppose que chaque mot est important. Il nécessite une lecture tout aussi soigneuse, ce à quoi je vais m’employer avant d’éventuellement vous faire part de ce qu’il m’inspire. Auparavant veuillez, je vous prie, noter cette petite correction (mais ne le prenez pas mal, surtout !) : quand vous utilisez le terme “vulcanologues”, méfiez-vous, c’est celui de “vOlcanologues” qu’il faudrait…[[D’après le dictionnaire Larousse et Le Robert, on dit volcanologue, volcanologie et volcanologique, avec un o : les formes vulcanologie, vulcanologique, vulcanologue sont sorties de l’usage et persistent uniquement dans les vieilles éditions, comme quoi la formation est d’abord une question de mise à jour. Th. G.]]

Bon courage à vous et salutations

La dame