Peter Gøtzsche, directeur de l’institut Cochrane nordique vient de publier un ouvrage de 400 pages en anglais chez Radcliffe :
Dépistage par mammographie : vérité, mensonges et controverse
Voici la traduction de son interview par Jane Garvey diffusée le 23 janvier 2012 sur BBC 4.
. JG :
« Peut-on justifier le dépistage du cancer du sein ? Non, selon un chercheur de pointe dans ce domaine depuis plus de 10 ans, le professeur Peter Gøtzsche du Centre Cochrane nordique de Copenhague. Professeur Gøtzsche, pouvez-vous expliquer pourquoi le dépistage de masse n’est pas une bonne idée ? »
PG :
« C’est à cause d’études récentes venant de plusieurs pays qui n’ont pas trouvé de lien entre introduction du dépistage et réduction de la mortalité par cancer du sein. La diminution de mortalité par cancer du sein est en fait essentiellement le résultat de l’amélioration des traitements.»
JG :
« Elle n’a alors rien à voir avec le dépistage ? »
PG :
« Je ne peux discerner, dans les études scientifiques récentes, l’effet du dépistage du cancer du sein et il faut se rendre compte que même s’il y avait un petit effet, il serait contré par les inconvénients du dépistage. Le dépistage produit beaucoup de diagnostics de cancer du sein chez des femmes en santé qui n’auraient jamais développé de symptôme de cancer du sein pendant toute leur vie. Lorsque vous traitez ces femmes, par exemple par radiothérapie ou par chimiothérapie, vous augmentez le risque de décéder d’une affection cardiaque ou d’un cancer d’une autre localisation. »
JG :
« Alors pourquoi ces femmes sont-elles traitées ? Qu’est-ce que le dépistage leur a trouvé ? »
PG :
« Le dépistage trouve beaucoup de cancers inoffensifs et de lésions précancéreuses que les femmes auraient eu avantage à ne pas traiter. Mais le grand problème, c’est que l’examen au microscope ne permet pas de distinguer un cancer dangereux d’un cancer inoffensif si bien que vous devez tous les traiter. En procédant de la sorte, vous transformez inutilement des femmes en pleine santé en patientes cancéreuses. »
JG :
« Mais le directeur de notre service national de santé affirme que les femmes qui se font dépister régulièrement de 50 à 69 ans ont moins de risque de décéder d’un cancer du sein. Comment l’expliquez-vous ? »
PG :
« C’est ce que j’explique dans mon livre qui vient d’être publié : en examinant soigneusement les études scientifiques, je doute que le dépistage du cancer du sein prolonge la vie des femmes, ce qui est le point crucial : nous souhaitons tous vivre plus longtemps. »
JG :
« A votre avis, quand est-ce qu’une mammographie est indiquée ? »
PG :
« Elle est absolument indiquée lorsqu’une femme a remarqué un changement dans un sein, comme une grosseur, qu’elle s’inquiète d’avoir un cancer et qu’elle va voir un médecin. La mammographie est un outil diagnostique utile dans ce cas. Mais c’est autre chose lorsqu’on l’utilise pour dépister toute une population à un âge donné. » JG : « Alors, qu’est-ce que les femmes doivent faire ? s’examiner par elles-mêmes ?»
PG :
« Nous avons également fait une revue scientifique de l’auto-examen des seins selon les règles du réseau Cochrane. Il s’avère qu’examiner ses seins régulièrement, par exemple chaque mois, n’a en fait pas d’effet, si ce n’est d’augmenter le nombre de biopsies. Ainsi, nous ne pouvons pas recommander l’auto-examen. Comme elles l’ont toujours fait, les femmes devraient consulter leur médecin si elles trouvent quelque chose d’inhabituel, mais pas s’examiner régulièrement. C’est sans effet. »
JG :
« Ne pas s’examiner régulièrement ? »
PG :
« Cela double le nombre de biopsies et introduit aussi beaucoup d’anxiété, évidemment. Ainsi, il est généralement admis actuellement que les femmes ne devraient pas être conseillées de s’examiner tous les mois. »
JG :
«Je dois vous dire que j’ai vu mon médecin la semaine passée et qu’il m’a justement demandé de le faire. »
PG :
« Il va à l’encontre des recommandations. Même l’association américaine contre le cancer qui est très favorable au dépistage recommande actuellement de ne pas s’examiner régulièrement les seins. »
JG :
« Merci d’avoir répondu! Le Ministère de la santé m’a demandé d’annoncer ce qui suit : notre programme de dépistage a été régulièrement évalué et nous avons noté des divergences entre scientifiques à propos du dépistage. Pour établir un consensus, Mike Richard qui dirige le programme national de dépistage du cancer a prévu de réexaminer les faits en partenariat avec Harpal Kumar, directeur de la recherche sur le cancer au Royaume Uni. »
Traduction assurée par Bernard JUNOD le 25 01 2012
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