Des médicaments “inhibiteurs de la pensée critique” s’apprêtent à être mis sur le marché en France, après leur autorisation récente aux Etats-Unis. Selon l’analyse du Formindep, compte tenu de l’état du système de santé et de la formation médicale en France, l’arrivée de ces nouveaux médicaments n’apporterait rien de plus.
Au début du mois de mars, le très sérieux magazine américain The Onion annonçait la mise sur le marché par la Food and Drug Administration étatsunienne de deux médicaments d’une nouvelle classe thérapeutique, les “inhibiteurs de la pensée critique” : le PharmAmorin® commercialisé par la firme Pfizer et le Brismysquibcin® commercialisé par Bristol-Myers-Squibb. Selon The Onion, ces deux médicaments provoqueraient chez leurs utilisateurs « un amour profond et sans nuage des firmes pharmaceutiques ». _ (une traduction française de l’article original de The Onion est disponible sur demande ICI pour le prix modique de 10 euros) Il semble en effet que, suite aux scandales de plus en plus nombreux auxquels se trouve confrontée l’industrie pharmaceutique (affaire du Vioxx®, études scientifiques manipulées, corruption d’autorités sanitaires, politiques et de professionnels de santé, etc.), « la profonde et durable affection pour les firmes pharmaceutiques qui doit caractériser les gens en bonne santé fait maintenant carence chez beaucoup de personnes. En tant qu’entreprise ayant pour vocation la santé, le bien-être et la longévité de l’image de notre entreprise, il devenait indispensable de réagir », a expliqué le directeur général de Pfizer au journal The Onion. Selon les chercheurs de cette firme, la prise régulière de PharmAmorin® augmenterait de 96,5 % le sentiment de confiance et d’affection envers les firmes pharmaceutiques, inhibant chez ses usagers toute idée de méfiance ou de suspicion à leur égard. Comme il fallait s’y attendre, la concurrence n’a pas tardé à réagir puisque l’autre géant pharmaceutique Bristol-Myers-Squibb (BMS) lance son propre produit, le Brismysquibcin®. Celui-ci aurait l’avantage d’avoir une affinité sélective pour la firme BMS, contrairement au PharmAmorin® qui stimulerait l’amour des firmes pharmaceutiques en général. En France, selon les informations recueillies par le Formindep, un dossier d’AMM a été déposé auprès de l’Afssaps par le groupement des “Laboratoires Internationaux de Recherche”, le L.I.R., pour cette molécule qui s’appellera Leemintox®. Selon les responsables de l’Afssaps, compte tenu de l’importance majeure du Service Médical Rendu (SMR), une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) a d’ores et déjà été accordée et, malgré l’interdiction faite par la Charte de la visite médicale, la Haute Autorité de santé s’apprête à autoriser la délivrance exceptionnelle d’échantillons de Leemintox® auprès des médecins par les visiteurs médicaux. Devant cette grave nouvelle, le Formindep tient toutefois à rassurer la population. En effet, après deux années d’existence, le constat fait par le Formindep de l’état de l’information médicale et de la formation des professionnels de santé en France fait que très probablement la mise sur le marché du Leemintox® ne changera pas grand-chose. Les attitudes des autorités sanitaires de régulation et de formation médicale, des responsables gouvernementaux, de nombre de sociétés savantes, de syndicats et d’organisations professionnels, et d’associations de patients, font dire au Formindep que le Leemintox® arrive sans doute trop tard. Pour une fois la France est en avance sur les Etats-Unis ! Tout au plus peut-on penser que la prise de ce médicament par les responsables des organismes en question provoquerait chez eux une destruction totale et définitive de leurs récepteurs cérébraux de pensée critique déjà bien altérés, qui pourrait les amener à un tel état d’exaltation et de passion pour les firmes qu’ils proclameraient leurs conflits d’intérêts dans les lieux publics. Le Formindep partage donc totalement l’analyse de la revue Prescrire concernant cette nouvelle famille d’inhibiteurs de la pensée critique : « Compte tenu du contexte sanitaire et de la formation médicale en France, cette molécule n’apporte vraiment “rien de nouveau” » Le Formindep – Contact : P.Foucras
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