[URML: Union Régionale des Médecins Libéraux]], viennent de recevoir [votre courrier en date du 9 décembre 2009 leur enjoignant de se conformer à de nouvelles recommandations les incitant à prescrire systématiquement de l’
oseltamivir (alias Tamiflu®) en traitement curatif des syndromes grippaux. Cette molécule serait d’ailleurs dispensée gratuitement en pharmacie sur prescription médicale. Vous motivez ces recommandations par une extension de l’épidémie, une circulation active et prépondérante du virus A (H1N1), et l’augmentation des hospitalisations et des formes graves. Vous précisez que ces recommandations nous sont faites «
sur proposition des experts ». Or ces recommandations sont
en contradiction avec les données scientifiques fiables actuellement portées à notre connaissance. Les règles de prescriptions des médicaments doivent se conformer au résumé des caractéristiques des produits (RCP). Une
modification d’autorisation de mise sur le marché du Tamiflu® est intervenue le 23/10/2009, elle repose cependant toujours sur le RCP
[Le RCP du Tamiflu® peut être consulté sur [le site de l’Afssaps ]]. Le chapitre 5.1 du RCP décrit l’efficacité de l’oseltamivir. Il précise que l’effet attendu en traitement curatif est une diminution de la durée de l’épisode grippal évaluée à 24 heures, qu’en traitement post exposition l’
oseltamivir diminue le risque de contamination secondaire de 6 %, selon ces données, il faudrait ainsi traiter plus de 16 personnes-contacts pour éviter une grippe classique. Il est par ailleurs indiqué que les études auxquelles se réfèrent le RCP ne mettent en évidence aucune efficacité du médicament dans le traitement des personnes âgées de 65 ans atteintes d’insuffisance cardiaque et respiratoire, ni chez les enfants asthmatiques. L’
oseltamivir n’a jamais démontré aucun effet sur la diminution de la mortalité ni le taux d’hospitalisation des personnes atteintes d’un syndrome grippal à l’exception d’une méta-analyse entièrement contrôlée par le laboratoire Roche commercialisant le Tamiflu®, dont les données brutes sont inaccessibles, et dont les résultats qui font polémique sont largement remis en cause par le British Medical Journal du 12 décembre et les membres de la Collaboration Cochrane [[Fiona Godlee (editor in chief, BMJ),Mike Clarke (director, UK Cochrane Centre, Oxford) – Why don’t we have all the evidence on oseltamivir? The full data from drug trials must be available for scrutiny- BMJ | 12 december 2009 | Volume 339.]]. A notre connaissance l’
oseltamivir n’a jamais fait l’objet d’une étude randomisée dans la grippe A (H1N1v) et, toujours dans le British Medical Journal, des membres de la Collaboration Cochrane indépendants de l’industrie ont demandé la mise en place de telles études [[Herxheimer A, Clarke M, Edwards R, Jefferson T, Sabazia A., H1N1 flu : Time for case-control studies of NSAIDs and oseltamivir – BMJ 2009;339:b3048]]. Concernant le fait que des experts puissent être à l’origine de ces recommandations, nous vous rappelons que l’avis d’expert est reconnu par l’ensemble de la communauté médicale internationale comme
le plus faible niveau de preuve pour apprécier la validité d’une information médicale. En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir nous communiquer dans les meilleurs délais l’ensemble du texte de la recommandation, son argumentaire, et les éléments et niveaux de preuve sur lesquels elle se fonde. Nous vous remercions également de bien vouloir nous adresser l’analyse exhaustive du rapport bénéfice risque de l’usage extensif de l’oseltamivir en population générale, en particulier sur la grippe A (H1N1v). Enfin les experts auxquels vous faites référence n’étant pas identifiés, nous vous demandons communication de leur identité et de leurs déclarations publiques d’intérêts ainsi que l’exige
la loi [[Article R1421-2-1 du code de la santé publique – Article L4113-13 du code de la santé publique]] pour tout collaborateur de la Direction Générale de la Santé. Nous vous remercions de la diligence avec laquelle vous nous ferez parvenir ces informations indispensables, car nous regretterions de devoir priver nos patients d’une éventuelle chance supplémentaire si, après leur étude attentive, nous estimions qu’elles devraient être mises en œuvre. Vous comprendrez bien évidemment, qu’en tant que professionnels de santé soucieux de l’unique intérêt des patients, les signataires du présent courrier, et les médecins membres du
Formindep,
ne pourront déférer à votre injonction sans avoir en mains tous les éléments scientifiques d’un niveau de preuve suffisant, pour pouvoir déterminer en toute responsabilité et conscience leur attitude vis-à-vis de leurs patients. L’urgence sanitaire d’une situation, qui reste largement à démontrer, ne peut en aucun cas exonérer les médecins de la responsabilité professionnelle de soins rigoureux et rationnels, comme pour vous de diffuser une information fondée sur des données fiables, transparentes et indépendantes. Dans l’attente de votre réponse rapide, nous vous assurons, Monsieur le Directeur, de notre ferme vigilance pour continuer à travailler en toute indépendance dans l’unique intérêt des patients, à l’abri de toutes pressions. Pour le Formindep, Dr Philippe FOUCRAS, Président Docteur Philippe MASQUELIER, Vice-Président Les auteurs déclarent n’entretenir aucun lien avec des entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé, ni avec des organisme de conseil intervenant sur ces produits, en respect de L 4113-13 du CSP.
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