Cinq questions aux candidat.es à l’élection présidentielle

A l’approche des échéances électorales, le Formindep a posé 5 questions aux candidates et candidats à la présidence de la République. Leurs réponses seront publiées avant le 1er tour des élections.


Madame la candidate, Monsieur le candidat à l’élection présidentielle,

Les influences exercées sur notre système de santé par des intérêts industriels et commerciaux créent des conflits d’intérêts chez les soignant.es, les autorités sanitaires et leurs experts et les usagers. Ces pratiques favorisent des soins inutiles et dangereux, augmentent les coûts et creusent les déficits sociaux. Ces influences constituent aujourd’hui un risque sanitaire majeur dans une société où la santé est de plus en plus considérée comme un marché au détriment des priorités de santé publique. Les désastres du Vioxx° et du Mediator° ont tragiquement démontré ce risque sanitaire, à travers de souffrances inutiles, de vies humaines perdues et de surcoûts évitables pour la collectivité. Ce risque doit maintenant être pris en compte au même titre que d’autres facteurs de risques évitables, tels l’alcool, la vitesse au volant, l’hygiène à l’hôpital, le tabagisme, l’obésité, etc.

L’action du Formindep

Le Formindep agit maintenant depuis plus de 15 ans pour faire connaître ce risque, en œuvrant pour une formation et une information médicales indépendantes, libérées des influences des firmes pharmaceutiques. En 2007 il a obtenu la publication des décrets d’application de la loi sur la transparence de l’information médicale (article L 4113-13 du code de la santé publique). Celle-ci oblige les professionnels qui s’expriment publiquement sur un produit de santé à déclarer leurs conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. En 2011, le Formindep a obtenu l’abrogation de 2 recommandations dites de « bonnes pratiques » de la Haute Autorité de santé, élaborées par des experts trop liés à l’industrie pharmaceutique ; il a ainsi permis que la réglementation régissant les conflits d’intérêts des experts de la HAS et d’autres instances sanitaires soit mieux respectée. Le risque que ces recommandations, sur lesquelles s’appuient les soignants pour se former et soigner, soient biaisées par des intérêts autres que la santé des patients se trouve ainsi réduit mais est loin d’être supprimé.

Plus récemment, le Formindep a publié des classements des facultés de médecine et des CHU concernant leur politique de gestion des conflits d’intérêt. Ils ont permis de mettre en lumière le peu d’avancement sur le sujet et laissent entrevoir le long chemin à parcourir pour atteindre l’indépendance.

Afin d’améliorer la transparence et l’indépendance de notre système de santé, et réduire le risque sanitaire lié aux influences industrielles et commerciales le Formindep vous demande quelles mesures supplémentaires seront prises, en cas d’élection, pour renforcer l’indépendance et la transparence de notre système de santé et de ses acteurs, et ainsi lutter efficacement contre ce risque sanitaire que représente l’intrusion incontrôlée d’intérêt industriels et commerciaux dans la santé.

1- La transparence de l’information et des liens des professions de santé

L’article L 4113-13 du code de la santé publique, 20 ans après son adoption par le Parlement, prévoit que les professionnels de santé qui s’expriment publiquement sur un produit de santé déclarent leurs liens avec les firmes pharmaceutiques. Il reste largement inappliqué, que ce soit dans les medias grand public, dans la formation universitaire, les congrès médicaux, etc. L’ordre des Médecins chargé de son application est inefficace, les sanctions sont inexistantes et non dissuasives. Secondairement, la loi a étendu à de nouveaux acteurs de santé l’obligation de faire une déclaration publique d’intérêts sur le site de l’autorité de santé qui s’adjoint leur concours. Elle prévoit également que les firmes rendront publics les avantages éventuels qu’elles leur consentent. Le site transparence.sante.gouv.fr regroupe ces informations, mais leur accessibilité et lisibilité ne les rendent pas exploitables par les professionnels de la santé, et encore moins par le grand public. Il a fallu attendre une initiative de quelques citoyens pour faciliter grandement son accessibilité (eurosfordocs.fr). Néanmoins ces déclarations ne sont pas vérifiées et certaines informations restent confidentielles.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour rendre efficace et opérationnelle pour les citoyens la transparence des liens d’intérêts ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour que cette transparence soit appliquée réellement, dans la formation médicale initiale et continue des médecins, dans les medias grand public ? 

2 – L’indépendance de l’expertise et l’impartialité des décisions d’ordre sanitaire

Les drames sanitaires récents ont montré l’inefficacité, voire la dangerosité d’une expertise sanitaire publique confiée aux seuls experts de l’industrie pharmaceutique. Être expert au service d’intérêts privés ne garantit pas la compétence pour une expertise publique au service de l’intérêt général. Il s’agit bel et bien de deux métiers différents. Dans son rapport sur le Mediator°, le Sénat recommandait la mise en place d’un Corps d’experts sanitaires publics, pluridisciplinaire, formé spécifiquement dans un cadre européen et contrôlé par une Autorité indépendante. Cette mesure a été rejetée dans la loi actuelle.  Comptez-vous mettre en place un Corps d’experts sanitaires publics contrôlé par une autorité indépendante, seul à même de garantir une expertise dégagée des intérêts des firmes pharmaceutiques ? 

3 – La remise en question des actions de santé publique qui ne reposent pas sur des données fiables, influencées par des conflits d’intérêts, et susceptibles de nuire à la qualité de l’information et des soins.

La qualité des soins et la sécurité sanitaire reposent sur la mise à disposition d’informations fiables, équilibrées, fondées sur des données scientifiques validées, favorisant des décisions de soins éclairées, adaptées et respectueuses du choix des personnes. Actuellement les données scientifiques s’accumulent pour démontrer l’absence d’intérêt voire la nocivité du dépistage systématique du cancer du sein par la mammographie, essentiellement du fait de surdiagnostics à l’origine de traitements inutiles. Les autorités sanitaires telle la HAS, l’assurance maladie refusent de prendre en compte, voire nient ces données. Elles continuent à promouvoir et à inciter à ce dépistage, y compris financièrement à travers le « paiement à la performance » des médecins. Cette attitude empêche un choix libre et éclairé des femmes concernées. Le Formindep s’inquiète également de voir le dépistage du cancer broncho-pulmonaire se généraliser dans les prochaines années, sans que cette politique de santé publique se base sur des données scientifiques solides.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour réévaluer l’intérêt de ces dépistages, à l’abri des conflits d’intérêts industriels et professionnels ? De façon générale, comment comptez-vous renforcer la prise de décisions sanitaires fondées sur des données scientifiques fiables et indépendantes, sans conflits d’intérêts, dans le seul intérêt de la santé de la population ?  

4 – Le renforcement de la protection des agences du médicament contre l’intrusion des intérêts industriels et commerciaux

La plupart des autorisations de mise sur le marché des médicaments sont accordées au niveau européen, à travers l’Agence européenne du médicament (EMA). Outre une opacité entretenue, de récents scandales, certains révélés par le Formindep, ont mis en évidence l’omniprésence des intérêts des firmes pharmaceutiques, à travers certains de ses experts et de ses dirigeants qui leur sont inféodés. La mise sur le marché de nouveaux traitements par les agences du médicament est de plus en plus précoce du fait de la pression du lobby pharmaceutique. Elles basent leurs décisions sur peu de données scientifiques, au risque d’exposer les patients à un produit dont la balance bénéfice-risque n’est pas favorable.

Quelles initiatives comptez-vous prendre au niveau européen pour renforcer l’indépendance et la transparence des instances sanitaires européennes comme l’EMA ?

5 – Le financement de la recherche publique

Au lieu d’investir dans la Recherche publique, l’État a choisi de rembourser par le Crédit Impôt Recherche des recherches privées dont il ne contrôle ni les thématiques (alignées sur les perspectives de développement commercial et non sur les besoins de la santé publique), ni la rigueur (protocoles optimisés pour favoriser les intérêts du promoteur, biais de publication), ni même la réalité. En asséchant la Recherche publique, il est aussi de plus en plus difficile de trouver pour l’expertise publique des experts indépendants des industriels. Les incitations délétères des financements publics pour la recherche, à travers les crédits Merri que reçoivent les CHU contribuent à la culture du publish or perish (publie ou crève), qui fait que la carrière des chercheurs et leur financement dépendent de la quantité d’articles qu’ils publient, trop souvent au détriment de leur qualité.

Que comptez-vous faire pour améliorer l’intégrité de la Recherche publique et privée ? 

Nous vous remercions à l’avance, Madame la candidate, Monsieur le candidat à l’élection présidentielle, des réponses que vous voudrez bien apporter à ces 5 questions qui nous semblent déterminantes pour l’avenir de notre système de santé.

Le Formindep publiera vos réponses sur son site. Elles témoigneront de l’importance réelle que vous accordez à ces questions. Elles permettront aux citoyen.nes de nourrir leur réflexion, et de faire un choix éclairé au moment du vote. Au-delà des évidents enjeux sanitaires et économiques, vous aurez perçu qu’il s’agit surtout de l’existence d’une démocratie sanitaire active ayant l’intérêt général comme unique objectif.

Dans l’attente, nous vous assurons, Madame la candidate, Monsieur le candidat à l’élection présidentielle, de nos sentiments les plus vigilants et indépendants.

Le Formindep