Les dรฉcrets d’application de l’article 26 de la loi de dรฉmocratie sanitaire du 4 mars 2002, reprise par l’article L4113-13 du Code de la santรฉ publique, ont รฉtรฉ publiรฉs le 25 mars 2007. Un recours du Formindep devant le Conseil d’Etat a รฉtรฉ nรฉcessaire pour obtenir ces dรฉcrets.

Depuis cette date, tout professionnel de santรฉ qui s’exprime publiquement sur un produit de santรฉ, doit dรฉclarer ses liens d’intรฉrรชts avec les entreprises commercialisant ou fabriquant de tels produits. Cette obligation s’applique aux interventions professionnelles et dans les media grand public, quel que soit le support, รฉcrit, oral, รฉlectronique, audio-visuel, etc.

Les ordres professionnels sont chargรฉs de veiller ร  l’application de cette loi, et d’en sanctionner les manquements. Dans son bulletin de janvier 2008, l’Ordre des mรฉdecins a informรฉ les professionnels de santรฉ de la parution de ces dรฉcrets et de l’obligation de s’y conformer.

Cette obligation de transparence est maintenant rรฉpandue dans de nombreux pays, sous une forme ou sous une autre. Elle constitue un critรจre incontournable de publication dans des revues internationales de qualitรฉ, et dans ces cas les mรฉdecins leaders d’opinion s’y soumettent sans hรฉsitation, puisque ces publications conditionnent leur carriรจre. Mais elle peine ร  s’imposer en France, puisqu’il a fallu plus de 5 annรฉes (un record de lenteur) et un recours associatif pour que cette obligation prenne enfin corps.

Plus d’un an aprรจs la parution de ces dรฉcrets, quelle est l’application rรฉelle de cette loi ? Les professionnels de santรฉ la respectent-ils dans leurs interventions ? les ordres professionnels remplissent-ils leur rรดle de faire respecter la loi, et d’en sanctionner les manquements ?

Le Formindep met en place une nouvelle action originale pour rรฉpondre ร  ces questions, observer et tester ยซย sur le terrainย ยป l’application de l’article L 4113-13 du Code de la santรฉ publique.

Une action en quatre รฉtapes.

1 – phase d’observation

Une premiรจre รฉtape s’est dรฉroulรฉe s’est dรฉroulรฉe pendant un mois au printemps 2008.

Lors de cette phase d’observation nous avons observรฉ prรจs de 30 medias et supports d’information de tout genre : presse professionnelle et grand public, radio et tรฉlรฉvision, articles et vidรฉos sur Internet, colloques et congrรจs, etc. Durant cette pรฉriode, et dans ces medias, nous avons relevรฉ les interventions de plus de 150 professionnels de santรฉ, mรฉdecins mais aussi pharmacien, kinรฉ, oรน ont รฉtรฉ รฉvoquรฉes un ou plusieurs produits de santรฉ, sans que ces professionnels dรฉclarent de liens d’intรฉrรชts avec des entreprises.

Aux termes de la loi, ยซย les membres des professions de santรฉ qui ont des liens avec des entreprises (…) ou des organismes (…) sont tenus de les faire connaรฎtreยซย . Bien que cela reste ambigu, il n’est donc pas prรฉvu que les professionnels procรจdent ร  une dรฉclaration d’absence de liens d’intรฉrรชts lorsque ceux-ci n’en ont pas, ce qui serait pourtant prรฉfรฉrable. Cela signifie que lorsqu’un professionnel de santรฉ ne dรฉclare pas de lien lors d’une intervention sur un produit de santรฉ, celui-ci est sensรฉ ne pas en avoir. Absence de dรฉclaration d’intรฉrรชts signifie donc absence de liens d’intรฉrรชts.

Aucun des 150 professionnels observรฉs n’ayant procรฉdรฉ ร  une dรฉclaration, ceux-ci ne devraient donc pas avoir de liens avec des entreprises. Comment savoir si ces professionnels n’ont rรฉellement aucun lien et ont donc respectรฉ la loi, mรชme involontairement, ou s’ils ont des liens avec des entreprises de santรฉ et sont donc en infraction avec la loi ?

Pour un certain nombre d’entre eux, il est possible de dรฉcouvrir ร  travers les dรฉclarations d’intรฉrรชts qu’ils ont effectuรฉ dans des organismes officiels (Afssaps, HAS, etc.) oรน ils sont ยซย expertsย ยป, ou dans des revues internationales pour lesquelles cette dรฉclaration est obligatoire, les intรฉrรชts qu’ils ont avec des entreprises.

Pour ceux-lร , leur absence de dรฉclarations d’intรฉrรชts dans leurs interventions semble en contradiction avec la loi. Pour les autres, ces informations ne sont pas disponibles.

Or selon la loi, il existe en France une structure dรฉpositaire lรฉgale des contrats professionnels des mรฉdecins avec des tiers, ainsi que des contrats des firmes pharmaceutiques avec les mรฉdecins (articles L4113-6, et L4113-9 du code la santรฉ publique, alias lois ยซย anti cadeauxย ยป). Il s’agit des ordres professionnels.

2 – Phase d’enquรชte

Nous avons donc รฉcrit aux ordres dรฉpartementaux dont relรจvent les professionnels de santรฉ observรฉs, pour leur demander si l’absence de dรฉclarations de liens d’intรฉrรชts des mรฉdecins signifiait effectivement leur absence de lien d’intรฉrรชts.

Plus de 100 lettres recommandรฉes ont รฉtรฉ envoyรฉes ร  ce jour dans une trentaine de conseils dรฉpartementaux.

Dans ces courriers, nous demandons aux conseils ordinaux, afin de ne pas nuire aux mรฉdecins par des plaintes infondรฉes, de nous dire si le professionnel concernรฉ avait effectivement ou non des liens d’intรฉrรชts avec des entreprises.

Les premiรจres rรฉponses des ordres commencent ร  arriver. Leur diversitรฉ est intรฉressante, et montre comment les ordres locaux se saisissent de cette responsabilitรฉ qui leur incombe :

  • certains ordres dรฉpartementaux prennent la question au sรฉrieux et vont jusqu’ร  rรฉpondre ร  la question posรฉe en prรฉcisant les liens d’intรฉrรชts du mรฉdecin concernรฉ.
  • d’autres rรฉpondent sur un mode plus ou moins ironique ou bottent en touche,
  • d’autres encore s’indignent que l’on puisse douter de l’honnรชtetรฉ des mรฉdecins jusqu’ร  celui qui menace de poursuites judiciaires !

Une analyse dรฉtaillรฉe des rรฉponses sera prรฉsentรฉe lors de la quatriรจme phase de cette action.

3 – Phase de plainte

La troisiรจme phase de notre action consistera ร  porter plainte auprรจs des ordres concernรฉs contre les professionnels qui se sont exprimรฉs sur un produit de santรฉ sans dรฉclarer leurs liens, et dont nous avons connaissance de ces liens d’intรฉrรชts avec des firmes.

A ce stade, il sera intรฉressant d’observer de quelle faรงon les ordres dรฉpartementaux instruisent ses plaintes et assument leur responsabilitรฉ lรฉgale. Nous nous attendons lร  aussi ร  des attitudes diffรฉrentes selon les dรฉpartements, qui sera รฉgalement mise en รฉvidence dans la derniรจre phase de notre action.

4 – Phase d’information du public

La derniรจre phase sera l’information du public des rรฉsultats de cette action. Le Formindep en fera publiquement un bilan dรฉtaillรฉ et circonstanciรฉ, et en tirera les consรฉquences sur les points suivants :

  • cette loi est elle rรฉellement applicable compte tenu des rรฉalitรฉs du terrain ?
  • les professionnels de santรฉ et le milieu mรฉdical veulent-ils appliquer la loi ?
  • quels obstacles se dressent pour empรชcher le respect de cette loi ?
  • quels sont le rรดle et la responsabilitรฉ des medias dans le respect de cette loi de transparence de l’information ?
  • de quelle faรงon les ordres professionnels, chargรฉs du respect de cette loi, assument ils ou non leurs responsabilitรฉs lรฉgales vis-ร -vis des patients et citoyens ?
  • quelles propositions pour amรฉliorer la loi et son application, garantir la transparence de l’information de santรฉ, facteur de qualitรฉ des soins et de moindre coรปt ?

Une action citoyenne de responsabilisation des professionnels de santรฉ et de leurs ยซย ordresย ยป

Cette nouvelle action du Formindep pour รฉvaluer le respect de la loi sur la transparence de l’information mรฉdicale, et la mรฉdiatisation qu’elle aura, a pour objectif de sensibiliser l’opinion au respect de cette loi indispensable ร  la qualitรฉ de l’information mรฉdicale et ร  celle des soins qui en dรฉcoulent.

Pour les professionnels de santรฉ indรฉpendants et sensibilisรฉs ร  l’importance de la transparence de l’information, elle se veut incitative pour que l’habitude de la transparence de l’information s’inscrive enfin dans les pratiques, afin de maintenir la confiance des patients et citoyens.

Pour les professionnels de santรฉ leaders d’opinion sous influences, elle se veut un ยซย coup de semonceย ยป pour rappeler que la transparence de l’information mรฉdicale n’est plus facultative, mais est maintenant un รฉlรฉment lรฉgal de la dรฉmocratie sanitaire, qui conditionne entre autres la qualitรฉ des soins.

Pour les autoritรฉs de santรฉ et les ordres professionnels, elle se veut un appel ร  la responsabilisation devant les tรขches lรฉgales et dรฉontologiques qui leur incombent.

A suivre.