Comme après chaque scandale sanitaire, le LEEM (Les Entreprises du Médicament) recycle la même stratégie défensive éculée :

1-faire de grandes promesses,

2-changer le nom des institutions,

3-créer un comité Théodule.

En septembre 2011, après le Mediator, alors que l’AFSSAPS devenait ANSM, le LEEM, syndicat de l’industrie pharmaceutique française, annonçait ainsi la création d’un Comité de « Déontovigilance », le CODEEM, destiné à prendre la place d’un Comité d’Ethique et de Médiation de l’Industrie Pharmaceutique (CEMIP) d’une discrétion jusqu’alors remarquable.

On allait voir ce qu’on allait voir, le LEEM allait laver plus blanc que blanc : «Un geste fort adressé à la société et aux entreprises » affirmait le LEEM.

Le CODEEM vient de publier son rapport d’activités pour l’année 2014 qui permet d’en mesurer l’ambition : «  huit réunions de sa Commission de déontologie, deux recommandations au Conseil d’administration du Leem, une étude sur le lobbying, une étude sur les relations des associations de patients avec les entreprises du médicament, une demande d’avis individuel de la part d’un laboratoire adhérent, deux demandes de médiation et la mise en place d’un outil de e-learning ». « le Codeem confirme un important volume d’activités ». En effet, on frise la surchauffe.

Outre le volume, il faut souligner « la qualité du travail » du comité.

Une des deux recommandations de l’année concerne la transparence des liens :

« Le Codeem a soumis le 24 novembre 2014 aux administrateurs du Leem une recommandation relative à la transposition, dans les Dispositions déontologiques du Leem, des dispositions restantes du « Disclosure Code ».

de l’Efpia, Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques.
Le Conseil d’administration a suivi la recommandation du Codeem, visant à ne pas procéder pour l’heure à une transposition de ces données supplémentaires, soulignant la nécessité d’une évolution préalable du cadre légal et réglementaire français. »

Vous avez bien lu: c’est le comité de déontologie qui recommande au CA du LEEM de NE PAS appliquer la transparence à la sauce auto-régulée du lobby européen. Le comité renouvelle ainsi sa recommandation déjà faite un an plus tôt : il est urgent d’attendre.

Et ne reculant devant rien pour assurer la « déontovigilance », le LEEM n’hésite pas à bafouer son engagement auprès de l’EFPIA (le LEEM s’était engagé à transcrire le code européen avant la fin de 2013), et s’asseoir sur la loi française (loi Bertrand du 29/12/2011, confirmée par le Conseil d’Etat).

La seconde recommandation du comité concerne l’information médicale :

« le Comité a soumis aux administrateurs du Leem une recommandation sur le suivi déontologique de l’information médicale dans la presse spécialisée, adoptée le 28 janvier 2014. Le Codeem s’était autosaisi de cette question, après avoir constaté que certains des « engagements de bonnes pratiques » signés en 2007 entre le Leem et le Syndicat national de la presse médicale et des professions de santé (SNPM, aujourd’hui dénommé SPEPS) n’avaient pas été encore été mis en place. Dans sa recommandation, le Codeem souhaite que le Leem renouvelle sa volonté d’exercer ses responsabilités dans le domaine de la déontologie de l’information médicale. »

Il est une qualité qu’on ne peut nier au comité, c’est celle de la persévérance. Voici ce que l’on pouvait lire dans le tout premier rapport d’activité du CODEEM, il y a deux ans:Information médicale dans la presse des professionnels de santé : le Codeem souhaite actualiser la charte que le Leem a signée en 2007 avec le Syndicat de la presse médicale (devenue le SPEPS).

Car la charte a 8 ans déjà …et n’est toujours pas appliquée. Et cela chagrine le président du CODEEM: « Les partenariats avec la presse médicale sont importants mais il faut s’assurer que les contenus des messages transmis aux professionnels de santé ne soient pas sous influence et ne soient pas détournés de leurs finalité pédagogique et professionnelle ». Ah ça non, il ne faudrait pas.

Mais 2015 sera sans nul doute une nouvelle année d’ « important travail » :
« La question des liens d’intérêts entre les entreprises du médicament et les acteurs du monde de la santé soulève des questions dans le public. Le Codeem participe d’ailleurs activement à l’élaboration du programme d’une journée réunissant industriels, chercheurs, médecins, représentants des autorités, et visant à décliner opérationnellement des règles pratiques pour l’ensemble des acteurs.
Dans ce contexte, le Codeem s’est autosaisi le 9 avril 2015, suite aux informations publiées par Mediapart le 24 mars, en vue d’un plan d’action visant à évaluer les conditions de respect des règles déontologiques par les industriels. »

Nouvelles révélations, nouvelles promesses : 2015 sera l’année de la « déontovigilance », il ne faut pas en douter.