Comment ? Le cholestérol, ça ne serait pas si grave ? Le traiter serait inutile ? Les laboratoires nous manipuleraient ?

Drôle de cuisine

dans laquelle nous embarque Michel de LORGERIL, cardiologue et chercheur au département des sciences de la vie du CNRS et à la faculté de Médecine de Grenoble, nous n’en savons pas plus sur ses éventuels liens d’intérêts. Sous l’allure d’une vulgarisation, son livre, « Cholestérol, mensonges et propagande », est une analyse précise et maîtrisée de ce qu’il appelle le «cholesterol delirium». S’il est lapidaire parfois, il incite surtout à la remise en question de ce dogme de la médecine moderne. Challenge insurmontable ?

L’origine de la théorie du cholestérol

remonte à des observations faites sur des rats en 1910. Mais c’est dans les années 1950-1960, avec l’étude épidémiologique de Framingham, du nom d’une petite ville des Etats-Unis, que le cholestérol acquiert ses lettres de noblesse. Des révélations récentes montrent comment des données de cette étude ont été dissimulées car elles ne confortaient pas la théorie. A la suite de Framingham tout s’est enchaîné. Qui dit cholestérol, dit prise de sang, donc diagnostic d’une maladie et prescription d’un médicament, un hypocholestérolémiant, pour la traiter.

L’efficacité des hypocholestérolémiants remise en question

Depuis 20 ans les preuves de l’efficacité supposée de ces médicaments hypocholestérolémiants, les statines, nous ont été abondamment présenté. Que valent-elles vraiment ? Michel de Lorgeril apporte un éclairage déterminant sur deux points majeurs.

D’abord l’étude épidémiologique Monica, qui a montré que 50 % des personnes ayant eu un infarctus du myocarde décédaient à court terme. Si les statines diminuaient réellement le risque d’infarctus, une baisse de la mortalité aurait dû être observée. Ce n’était pas le cas.

Ensuite il y a eu l’affaire du rofecoxib (Vioxx®). Le Vioxx® a été retiré du commerce en 2004 après la découverte des risques ayant provoqué aux USA plus de 30 000 décès de causes cardiovasculaires. La cour suprême des Etats-Unis a autorisé le 27 Avril 2010 la poursuite en justice de la firme Merck qui a commercialisé cet anti-inflammatoire “ici” ainsi que la simvastatine qui semblait être la statine la mieux évaluée dans le traitement de l’excès de cholestérol. Avec cette affaire ont été mises au grand jour des pratiques comme le “ghostwriting ou “écriture en sous-main” qui ont largement entamé la confiance que l’on pouvait avoir envers les industriels.

Selon Michel de Lorgeril, ces comportements doivent conduire à remettre en question les résultats parfois très spectaculaires et optimistes obtenus avec les statines dans les années 1990. D’ailleurs les études publiées après 2005 ne sont plus en faveur de ces hypocholestérolémiants. Telle l’étude Enhance qui en 2006 évaluait dans l’hypercholestérolémie familiale la simvastatine et l’ézétimibe, autre anticholestérolémiant d’action différente des statines. Dans ce cas il a fallu contraindre les auteurs à publier les résultats négatifs.

De Lorgeril est un partisan de la « diète méditerranéenne » qui a une probable efficacité chez les patients ayant présenté un infarctus du myocarde. Inspirée de l’alimentation traditionnelle des Crétois, elle associe une alimentation peu calorique par rapport à l’activité physique, une grande consommation de fruits et légumes, d’huile d’olive, de fromages frais, de poisson, et du vin en quantité modérée [[Dans les analyses de morbi-mortalité publiées en 2009 dans la revue Circulation, la France est le pays où les hommes et les femmes ont le plus faible risque cardio-vasculaire. De fait il semble qu’il y ait bien un « french paradox » également décrit par de Lorgeril pour les patients et leurs médecins.]]. Les obstacles pour évaluer cette alimentation sont nombreux. Notamment il n’est pas possible de réaliser une étude d’intervention dite en aveugle et il n’y a pas d’indicateur clinique ou biologique fiable permettant de s’assurer que les patients observent les règles prescrites. Pour sortir de la théorie de l’efficacité du traitement du cholestérol, Michel de Lorgeril ne propose pas de solutions merveilleuses. Cette théorie du cholestérol reste bien ancrée dans les esprits, médiatisée largement, semble facile à mesurer et à mettre en œuvre.

Il va falloir beaucoup de courage et de rébellion critique aux patients et à leurs médecins, un grand “réveil collectif” pour regarder enfin cette construction comme un château de sable plutôt que comme une réalisation d’orfèvre. La lecture de ce livre en offre l’opportunité.