La pression de Big Pharma sur l’Europe s’intensifie. Le Formindep dénonce cette menace et propose des solutions pour défendre la santé publique.

Le 11 avril 2025, 32 dirigeants de laboratoires pharmaceutiques internationaux – parmi lesquels Pfizer, Sanofi, Roche, Novartis ou GSK – ont adressé une lettre à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Ils y conditionnent le maintien de 16,5 milliards d’euros d’investissements dans l’Union à la mise en œuvre de plusieurs « mesures audacieuses ». (1) En clair : soit l’UE adapte ses politiques de santé à leurs exigences, soit les capitaux fileront vers les États-Unis.

Un tel ultimatum, dans un contexte de guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis, révèle à quel point l’industrie pharmaceutique pèse – voire dicte – les décisions publiques. Pour le Formindep, cette pression est un symptôme particulièrement préoccupant de conflits d’intérêts structurels entre les institutions européennes et les intérêts privés de Big Pharma.

Un chantage organisé de Big Pharma aux dépens de la santé publique

Les revendications de cette lettre sont explicites : revoir la politique de prix des médicaments pour mieux « récompenser l’innovation », accélérer les procédures d’autorisation des essais cliniques, alléger la charge réglementaire, y compris sur les normes environnementales (notamment la directive sur le traitement des eaux usées).

L’industrie affirme agir au nom de l’innovation, mais qu’en est-il réellement ? Les médicaments réellement innovants sont rares. La plupart des nouvelles molécules apportent un bénéfice thérapeutique minime voire nul, mais sont commercialisées à prix fort, soutenues par une rhétorique marketing bien rodée. (2, 3, 4) La priorité donnée à la rentabilité plutôt qu’à la pertinence médicale est un enjeu central du combat pour une médecine fondée sur les preuves.

Pression pharmaceutique sur l’Europe : une capture des politiques publiques ?

Ce type d’influence directe sur les politiques de santé européenne s’inscrit dans un phénomène bien documenté : la capture réglementaire. Quand les régulateurs deviennent les exécutants des volontés de ceux qu’ils sont censés contrôler, les principes de transparence, d’indépendance et d’intérêt général sont bafoués.

Accélérer les procédures d’essais cliniques, par exemple, sans renforcer les garanties scientifiques, revient à faire primer la vitesse sur la qualité. Cela ouvre la porte à des évaluations biaisées, où les études sont trop souvent pilotées, financées, analysées et publiées par les industriels eux-mêmes. (5, 6) La sécurité des patients et la fiabilité des données scientifiques sont alors reléguées au second plan.

Le rôle du Formindep : alerter et proposer

Depuis sa création, le Formindep agit pour dénoncer les conflits d’intérêts qui gangrènent la formation médicale, la recherche, et plus largement la décision publique en santé. Cette offensive coordonnée de Big Pharma illustre de façon spectaculaire la nécessité d’un encadrement beaucoup plus strict des relations entre les institutions publiques et les industriels de la santé.

Il est urgent de :

  • garantir la transparence des échanges entre la Commission européenne et les industriels

  • renforcer l’indépendance des agences d’évaluation (comme l’EMA)

  • développer une capacité publique de production et de recherche pharmaceutique

  • promouvoir des politiques d’achat fondées sur la valeur réelle des traitements, pas sur les promesses du marché

Conclusion

La Santé ne peut pas se permettre de devenir l’otage des intérêts financiers des grands groupes pharmaceutiques. Défendre une politique de santé publique cohérente, fondée sur des preuves scientifiques et libérée des pressions commerciales, est un enjeu démocratique fondamental. Le Formindep appelle les citoyennes et citoyens, les professionnels de santé, les institutions et les médias à se mobiliser contre cette nouvelle forme de chantage industriel.

1. Le Figaro. (2025). Tensions commerciales : 32 patrons de la big pharma lancent un avertissement à l’UE (lien)
2 – Prescrire. (2024).L’année 2024 du médicament : en bref. (lien)

3 – Götzsche PC, et al. (2019). Deadly medicines and organised crime: how big pharma has corrupted healthcare. (lien)

4 – Kesselheim AS, Avorn J, Sarpatwari A. The high cost of prescription drugs in the United States: origins and prospects for reform. JAMA. 2016;316(8):858–871. doi:10.1001/jama.2016.11237 (lien)
5- Lundh A, Lexchin J, Mintzes B, Schroll JB, Bero L. Industry sponsorship and research outcome. Cochrane Database Syst Rev. 2017;2(2):MR000033. doi:10.1002/14651858.MR000033.pub3 (lien)
6- Bekelman JE, Li Y, Gross CP. Scope and impact of financial conflicts of interest in biomedical research: a systematic review. JAMA. 2003;289(4):454–465. doi:10.1001/jama.289.4.454 (lien)