Il n’y a pas que, le Formindep, le SMG ou Prescrire à vouloir éliminer les liens de l’industrie (pharmaceutique ou des fabricants des dispositifs médicaux) avec les professionnels du soin. Le très sérieux journal américain JAMA publie un article
[[Troyen A. Brennan, MD, MPH; David J. Rothman, PhD; Linda Blank; David Blumenthal, MD, MPP; Susan C. Chimonas, PhD; Jordan J. Cohen, MD; Janlori Goldman, JD; Jerome P. Kassirer, MD; Harry Kimball, MD; James Naughton, MD; Neil Smelser, PhD JAMA. 2006;295:429-433.]] très documenté sur les effets nuisibles de ces liens pour l’intérêt des patients, et propose des mesures pour les centres hospitaliers universitaires, concernés au premier chef. Les hôpitaux où les étudiants sont formés, tout au long de leurs études, restent ensuite pour les professionnels, des soutiens et des conseils influents. Les études montrent que les habitudes prises pendant la formation persistent tout au long de la pratique : d’où l’importance de l’objectivité et de l’intégrité scientifiques sur ces terrains ! Aux Etats-Unis, selon l’article, on en est loin ! En France aussi, les liens avec les firmes sont étroits, que ce soit dans la recherche, ou dans les prescriptions de soin. Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêt ? Un conflit d’intérêt survient quand un praticien se détourne de ses obligations professionnelles pour favoriser un intérêt personnel, financier ou non. Cela nuit à la rigueur scientifique et compromet parfois les intérêts du patient, puisqu’en général, on admet que le raisonnement scientifique rigoureux et objectif améliore la qualité des traitements. En général. Les firmes, si elles sont essentielles pour produire médicaments et dispositifs, et si bien sûr, elles doivent assumer de la recherche correspondante, sont finalement redevables de comptes, avant tout à leurs actionnaires. Il ne peut leur être demandé d’être d’abord préoccupées du bien public ! Elles développent une stratégie marketing très sophistiquée et très coûteuse, qui doit bien sûr être payante ! Notamment, et c’est ce qui est détaillé dans l’article, dans les hôpitaux. Certes, il existe bien des recommandations pour que cela paraisse acceptable : en France aussi les firmes sont théoriquement limitées dans le montant de leurs cadeaux aux professionnels. Mais les études en sciences sociales montrent que les cadeaux, même de faible valeur modifient puissamment le comportement de celui qui reçoit : il se sent redevable, et va reconsidérer l’information et les choix qui en découlent. Le médecin qui a reçu un petit cadeau, ou a été invité à un repas, ou s’est vu offrir des frais de congrès, ou des frais de déplacement pour ce congrès, recevra plus volontiers et plus chaleureusement le représentant commercial de la firme. A l’hôpital, le médecin qui va demander qu’un médicament soit ajouté sur la liste de la pharmacie hospitalière est statistiquement plus souvent celui qui a reçu un tel cadeau. Aux Etats-Unis, la loi oblige les praticiens à déclarer leurs conflits d’intérêts. Mais cela n’est pas suffisant pour résoudre le problème. Tout d’abord, la notion de conflit d’intérêt n’est pas exactement la même pour tout le monde… la divulgation n’est donc souvent que partielle ; et de plus les déclarations ne sont pas vérifiées. Les destinataires de la déclaration, lorsque ce sont des patients, sont des sujets en position vulnérable, et ce ne sont pas des spécialistes, il leur est souvent impossible de s’apercevoir que l’avis est biaisé. Enfin, révéler un conflit d’intérêt est souvent considéré comme ayant tout résolu, et on n’en parle plus. Devant ces insuffisances, les auteurs font toute une série de propositions : zéro cadeau, ou aide financière, l’avantage étant qu’on n’a plus à se poser la question de savoir si c’est acceptable, ou non. D’autres sources d’approvisionnement en échantillons de médicaments. D’autres sources de financement de la formation médicale continue. L’établissement de listes de médicaments à l’hôpital devrait exclure les professionnels qui ont des liens avec les firmes, ceci devrait être contrôlé pour que le choix des médicaments à l’hôpital soit basé seulement sur le meilleur niveau de preuve disponible. Les membres de la faculté devraient s’interdire d’être « leaders d’opinion » au service des firmes et de signer des articles rédigés en sous main par des employés des firmes. L’activité de consultant, ou l’acceptation d’aide à la recherche par l’industrie resterait possible, mais avec des contrats explicites, définissant des prestations spécifiques restreintes aux résultats scientifiques. Le mieux serait qu’ils soient recueillis et gérés par l’institution universitaire. Il s’agit pour les auteurs de convaincre les dirigeants des centres hospitaliers universitaires d’adopter ces recommandations : ce ne serait pas si difficile. Les avantages semblent évidents : les décisions seraient davantage fondées sur des preuves, et les résultats seraient susceptibles de s’améliorer. Les dépenses totales de prescription pourraient diminuer ! Enfin, l’absence de représentants commerciaux des firmes dans les couloirs, les réunions et les repas, augmenterait la sensibilité des étudiants en médecine aux valeurs du professionnalisme médical et de l’honnêteté scientifique. La profession réaffirmerait ainsi publiquement son engagement à accorder la première place à l’intérêt des patients.
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