En 2021 les services de la DGCCRF ont enquêté et mis au jour des pratiques illégales des Laboratoires URGO qui, afin d’augmenter leurs parts de marché, ont mis en place, entre 2015 et 2021, une stratégie commerciale basée sur l’octroi d’avantages en nature illicites à des pharmaciens d’officine sur l’ensemble du territoire national. En contrepartie de l’achat par le pharmacien de produits de la marque URGO, et de la renonciation au bénéfice d’une remise contractuelle sur le prix d’achat de ces produits par le pharmacien, ce dernier obtenait à titre privé une récompense sous la forme d’un ou plusieurs cadeaux, dont la valeur correspondait au montant de la remise prévue par le contrat. Le système ainsi démantelé représente une fraude massive, d’un montant total estimé à plus de 55 millions d’euros sur la période 2015-2021 (voir ici le compte rendu de la DGCCRF, et ici et là deux articles de Caroline Coq-Chodorge dans Mediapart et Rozenn le Saint dans Libération sur le sujet).
L’enquête a abouti à une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité en janvier 2023. Outre la confiscation de plus de 5,4 millions d’euros ayant fait l’objet d’une saisie pénale, deux amendes d’un montant total de 1,125 million d’euros ont été prononcées à l’encontre des Laboratoires URGO. Les services d’enquête de la DGCCRF ont poursuivi les investigations auprès des pharmaciens impliqués, aboutissant à la mise en cause en particulier de l’actuelle et récente Ministre de la Santé, Mme Agnès Firmin Le Bodo, à l’époque pharmacienne au Havre, et qui a confirmé être l’objet d’une enquête à ce sujet.
Rappelons que le fait d’accepter de tels commission ou avantages illégaux est passible d’une sanction en application du dispositif « anti-cadeaux », mis en place dans les suites du scandale du Mediator, et adapté en 2013, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (Articles L.1453-3 à L.1454-10 du code de la santé publique). En outre, il est facile de constater sur le site Transparence Santé, dans le cas de la Ministre, qu’aucune déclaration n’en a été effectuée (ce qui aurait pu permettre de faire acte de bonne foi). Difficile d’imaginer que Mme Firmin Le Bodo puisse continuer à assurer ses missions dans ces conditions.
Le FORMINDEP a largement et souvent fait état des carences de la loi dans ce domaine, en particulier sur le plan de l’absence de procédures de contrôle des déclarations, et l’absence d’autorité compétente en la matière ; les ordres des professionnels de santé se révélant en règle générale incapables de jouer ce rôle, ne bénéficiant pas des moyens de le faire, comme en témoigne par exemple ce bilan de l’Ordre National des médecins. Cette affaire de grande ampleur est une nouvelle illustration de ces carences, et justifie une révision urgente de la loi.
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