Le but d’une politique publique face au cancer serait de garantir aux malades l’accès aux meilleurs traitements, dans des conditions de prise en charge, de confort et de soutien dans les moments douloureux. Elle devrait aussi préciser les voies de prévention. Il est donc essentiel de bien distinguer la thérapeutique, de plus en plus coûteuse, et la prophylaxie, dont l’efficacité devrait être indéniable par rapport à l’effort financier consenti.
La thérapeutique s’adresse aux individus malades. _ Seuls, ils ne pourraient souvent pas supporter son coût. Mutualiser les risques individuels par solidarité est la solution. Les cotisations de tous à l’Assurance Maladie permettent une prise en charge collective du traitement individuel des malades, actes médicaux, médicaments, chirurgie. La prévention s’adresse aux populations entières saines. _ Ce n’est pas une politique individuelle. _ Elle cherche à protéger, à diminuer les risques collectifs, pas à traiter. _ C’est l’affaire de l’État, donc de l’impôt. C’est pour cela qu’en principe l’Assurance Maladie ne prend pas en charge les actes de prévention. Une action de prévention ne doit pas exposer une population saine à des dangers. De plus, s’adressant à une population entière, elle peut être extrêmement onéreuse. Vacciner est de la prévention. Toujours à court d’argent, l’État fait supporter par l’Assurance Maladie des charges qui ne lui incombent théoriquement pas. Cela n’a rien de scandaleux lorsque les vaccins sont très efficaces, apportant à la collectivité un grand bénéfice par rapport à leur coût. C’est le cas des vaccinations contre la variole, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite. Elles ont réussi parfois à éradiquer la maladie. Cela devient plus discutable lorsque les vaccins sont d’une efficacité douteuse, ne confèrent pas une immunité définitive et changent tous les ans, ce qui les rend particulièrement onéreux. Or traiter l’immense population des gens sains est un véritable pactole pour les fabricants. Leurs pressions sur les pouvoirs publics, comme ce fut le cas avec la grippe H1N1, tournent au véritable pillage de l’Assurance Maladie, au détriment de sa vocation première. Voilà la politique contre le cancer définie pour 5 ans. Meilleure prise en charge des malades, des enfants, mieux organiser les parcours de soins, promouvoir la prévention, le dépistage, réduire les délais de diagnostic et de traitement pour minimiser la perte de chances, favoriser l’accès aux traitements, réduire les inégalités, éviter l’exclusion sociale, promouvoir la recherche, voilà des orientations excellentes. De bonnes intentions, ce pavé de 152 pages en est plein. Recouvrerait-il quelques démons? _ _ Le tabac Le rêve de l’industrie pharmaceutique est que non seulement les malades, mais des gens sains consomment ses médicaments le plus possible, le plus longtemps possible, si possible à vie. On est dans Knock: «Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent». Le leur faire reconnaître, c’est faire accepter d’être traités à ceux qui n’ont rien! Ainsi, les professeurs Knock au service de BigPharma ont réussi à faire admettre que la seule passion d’un fumeur pour sa cigarette était une maladie à traiter médicalement. Dans cette veine, une pilule, un vaccin contre la passion du ski ou un remède contre l’amour éviterait bien des fractures, la vérole et le Sida. Est-ce souhaitable? _ Selon ses règles, la Sécurité Sociale considère les gommes ou timbres à la nicotine comme des traitements de prévention à l’efficacité mineure, elle ne les rembourse pas. Circonstance aggravante, ils sont vendus sans ordonnance et leur publicité grand public s’oppose donc à tout remboursement. Elle ne rembourse pas non plus le Zyban® ou le Champix®, d’efficacité également mineure. Il leur faut une ordonnance, donc pas de publicité directe, mais la télévision incite les fumeurs à l’exiger de leur médecin: “Vous voulez arrêter de fumer? Demandez à votre médecin“, avec dans un coin de l’écran, le logo de Pfizer. Le décodage est facile, comme pour le Cyalis®. _ Mais la pression des lobbies pharmaceutiques avait déjà scandaleusement réussi à détourner cette règle. Grâce à un forfait de 50€ par an et par fumeur pour qu’il les achète, ils lui ont fait payer quand même ce qu’ils appellent les substituts nicotiniques. Ce véritable scandale a vite fait retirer du forfait le Zyban® et le Champix®, initialement prévus dans le dispositif. Le but officiel de l’action contre le tabagisme est de dissuader les jeunes de se mettre à fumer, et d’inciter les fumeurs à s’arrêter. L’augmentation du prix du tabac, “jamais suffisante, jamais assez brutale, jamais assez souvent” selon les tenants de cette politique est donc une promotion indirecte des gommes et des timbres. Le Plan renforce une politique dont l’échec est patent. Elle repose sur les nouvelles Recommandations de Bonnes Pratiques sur le sevrage tabagique [[http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-01/argumentaire_scientifique-_arret_de_la_consommation_de_tabac.pdf]]. Elles reprennent inchangées celles de 2003, malgré la mise en garde quant à leur indépendance que nous avions formulée auprès du Président de la HAS [[Le mythe de l’addiction à la nicotine]]. Malgré des années de propagande anti-tabac basée sur la peur du cancer et de l’infarctus, d’interdictions de publicité, de fumer dans les lieux publics, la stigmatisation et la culpabilisation des fumeurs, avec un prix déjà des plus élevés d’Europe, leur nombre a augmenté entre 2005 et 2010, et essentiellement chez les jeunes. Certes, elle triomphe, puisque l’OFDT constate une baisse des ventes de 7,6% en 2013 [[http://www.ofdt.fr/ofdt/fr/tt_13bil.pdf]]. Mais il serait bien illusoire d’attribuer cette apparente embellie à un effet favorable de la hausse des prix. Car cet enthousiasme devrait être tempéré par l’évasion de 25% des ventes en France hors du circuit officiel des bureaux de tabac, et l’accroissement exponentiel des ventes de cigarettes électroniques, utilisées par beaucoup de fumeurs comme un moyen plus économique de moins fumer, voire d’arrêter. Mais les gouvernants sont toujours sensibles au chant des sirènes de ceux qui en espèrent clairement une stimulation des ventes des substituts nicotiniques. Le Plan en rajoute une couche en augmentant de 50€ à 150€ le forfait d’aide pour les acheter. Pourtant, affirmer qu’il est démontré que leur efficacité dépasse largement leur coût est totalement inexact. Même la gratuité n’a pas d’influence démontrée (cf ref 3). Celle politique des prix est pourtant en contradiction avec l’un des objectifs du Plan: “Veiller à ne pas accroître les inégalités par les politiques de prévention“. En fait, cette pression financière s’exerce sur les plus précaires. Car il est prouvé que les plus pauvres, les chômeurs sont ceux qui fument le plus. Ils n’en sont que plus tentés à acheter des cigarettes de contrebande alimentant hélas la délinquance, ou provenant d’achats transfrontaliers dont, oh paradoxe!, la tolérance douanière vient d’être portée à 10 cartouches par personne et par passage. Comme je l’ai montré, ils laissent des mégots plus courts, surtout en fin de mois, ce qui augmente l’inhalation de la fumée de fin de cigarette, beaucoup plus toxique Molimard R, Amrioui F, Martin C, Carles P : Poids des mégots et contraintes économiques. Presse Méd. (1994) 23 : 824-6. Téléchargeable sur [[ici]]. Comment aussi résisteraient-ils à mêler un reste de mégot à une cigarette qu’ils roulent? Du point de vue de la Santé Publique, c’est désastreux. _ _ Les vaccins La prévention porte sur la population entière. Si elle repose sur des médicaments, des examens, un tel marché attire les convoitises des industriels de la santé. C’est un gouffre financier pour la Sécu. La promotion éhontée des médicaments “de sevrage tabagique” en est un exemple. Mais c”est aussi le cas des dépistages systématiques des cancers de la prostate et du sein. Leurs bénéfices en terme de santé publique sont mis en doute par des études sérieuses, qui montrent qu’ils n’améliorent pas du tout la mortalité, quand ils augmentent le nombre de faux-diagnostics, donc de lourds traitements injustifiés, invalidants, parfois mortels. Une mammographie si l’on a un doute, évidemment. Sans doute pas pour toutes les femmes en bonne santé sans antécédents familiaux. Le Plan constate que les frottis ont déjà permis de traiter précocement le cancer du col de l’utérus et les lésions qui le favorisent. Ce dépistage était remboursé à 65%. Le plan les recommande tous les 3 ans, en proposant leur gratuité totale, c’est bien, c’est efficace. Mais un vaccin sera promu et pris aussi en charge à 100%. Or il est très onéreux, actif contre 2 seulement des nombreux virus qui créent des lésions précancéreuses, sans qu’une réelle protection contre ce cancer soit démontrée. Il ne met pas en balance que les frottis sont déjà en voie d’en annuler la mortalité, quand le bénéfice supplémentaire de cette vaccination n’est pas démontré, alors que des plaintes concernant son innocuité, même très rares, commencent à être déposées. Surtout, il donne une fausse sécurité qui risque de pousser les femmes à se détourner d’un contrôle régulier par frottis, et in fine d’être contre-productif dans la prévention de ce cancer. [Lire sur le site les articles du [Dr NICOT et du Dr DE CHAZOURNES]] _ _ Influence sur les professionnels de santé Ce Plan souffre manifestement d’un lien étroit et abusif de dépendance aux intérêts de l’industrie de la santé, pharmaceutique avec les médicaments et les vaccins, fabricants de matériel radiologique etc… Il se reflète aussi dans l’attitude du ministère de la santé à propos de la transparence des liens d’intérêts des professionnels de santé avec l’industrie. Le Sunshine Act à la française est un soleil bien voilé. Pour plus d’efficacité, le Plan veut mobiliser les professionnels de santé, et en particulier les médecins. Tous ces traitements devant être prescrits, il cherche à les asservir à l’intérêt des firmes. Ainsi, il prévoit de faire de l’observance à ses choix une des conditions de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP). Si les médecins acceptent de se plier à de telles exigences dites de bonne pratique, ils peuvent en attendre une rémunération supplémentaire qui peut atteindre plus de 9000€. _ Certes, dans sa bataille pour l’emploi, le gouvernement peut avoir intérêt à protéger les firmes de santé. Toutefois, favoriser dans ce seul but de telles dépenses, dont les autres missions de la Sécurité Sociale feront fatalement les frais, me paraît proprement scandaleux. Heureusement, certains médecins courageux du Formindep sauvent l’honneur de leur profession en refusant une telle prime, estimant qu’elle pourrait fausser leur jugement, qui ne doit se faire que dans l’unique intérêt de leurs patients. (cf ref 6). _ La lutte contre le tabagisme fait depuis longtemps fausse route. Que faudrait-il faire? La revue “Pratiques” m’a posé cette question, et j’ai donné en 10 points ce qui me semblerait humain, logique et je le pense efficace à moindre frais [Pratiques (2013) n°63, 30-2 [Que ferais-je si j’avais en charge la politique contre le tabagisme]]. Le plan cancer
Conclusion
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