Dans un premier article, nous résumions les conclusions de la nouvelle série du Lancet sur les aliments ultra-transformés : leurs impacts sanitaires, les mécanismes industriels qui en favorisent la consommation, et les enjeux de santé publique que cela soulève.
Cette seconde partie s’intéresse aux repères précieux qu’offre la série du Lancet aux professionnel·les de santé pour défendre une pratique indépendante.
Si vous n’avez pas lu la première partie :
1. Reconnaître l’influence structurelle de l’industrie sur la santé
L’industrie agroalimentaire, comme l’industrie pharmaceutique, exerce une influence profonde sur :
- la recherche scientifique (financements orientés, questions non posées, silences sur certaines données),
- les recommandations nutritionnelles,
- la formation médicale initiale et continue,
- les environnements alimentaires auxquels les patients sont exposés au quotidien.
Comprendre ces mécanismes est un prérequis pour toute démarche d’indépendance professionnelle.
Ces mécanismes sont détaillés dans notre dossier « Formation initiale ».
2. S’appuyer sur des sources réellement indépendantes
Les professionnel·les de santé peuvent réduire leur exposition à l’influence industrielle en privilégiant :
- des publications scientifiques sans financement de l’industrie ou avec des déclarations de conflits d’intérêts transparentes,
- des formations continues indépendantes,
- des recommandations issues d’instances sans liens d’intérêts majeurs,
- des sociétés savantes et associations qui veillent à leur indépendance.
Cela renforce la confiance dans la relation soignant–patient et garantit que les décisions sont guidées par la santé publique, pas par les intérêts commerciaux.
3. Intégrer le degré de transformation dans les conseils alimentaires
Conseiller “moins d’aliments ultra-transformés” ne relève pas seulement d’un message nutritionnel simpliste. C’est aussi une façon de questionner un modèle alimentaire piloté par des logiques financières.
Concrètement, il s’agit de :
- promouvoir la cuisine maison et les aliments bruts ou peu transformés,
- encourager les circuits courts et des modes de production plus transparents,
- replacer fruits, légumes, légumineuses, céréales complètes et oléagineux au cœur de l’alimentation.

Chris Van Tulleken, médecin et co-auteur de la série du Lancet
4. Aider les patients à décoder l’information alimentaire
Donner des conseils généraux ne suffit pas ; il faut aussi aider les patients à comprendre comment l’industrie façonne leurs choix.
Par exemple, en consultation, on peut :
- apprendre à lire les étiquettes et repérer la liste d’ingrédients longue, les additifs et les marqueurs d’ultra-transformation,
- signaler les additifs courants des AUT (émulsifiants, édulcorants, arômes, etc.),
- expliquer les stratégies marketing (allégations “fitness”, “protéiné”, “sans sucre ajouté” qui masquent parfois un haut degré de transformation),
- aider à reconnaître les discours promotionnels déguisés (articles sponsorisés, influenceurs).
L’objectif : renforcer l’autonomie alimentaire des patients, pour qu’elle ne soit plus dictée par les pressions commerciales
5. Soutenir des cadres collectifs et éthiques
L’action individuelle des soignant·es a des limites si les environnements alimentaires restent dominés par les industriels de l’alimentation ultra-transformée. Les professionnels de santé peuvent aussi agir à un niveau collectif en :
- soutenant la transparence et l’indépendance dans les politiques publiques,
- encourageant les institutions (hôpitaux, écoles, collectivités) à réduire la place des AUT dans leurs achats et repas,
- participant à des groupes de travail, associations ou collectifs qui promeuvent des environnements alimentaires plus sains,
- défendant des réglementations qui protègent la santé avant les profits commerciaux.
Il s’agit de défendre les conditions systémiques nécessaires à une médecine réellement indépendante.
6. Cultiver sa propre indépendance professionnelle
Enfin, la cohérence passe aussi par les pratiques individuelles :
- déclarer et éviter les conflits d’intérêts,
- refuser les avantages et influences commerciales dans sa pratique,
- promouvoir une culture médicale fondée sur l’éthique, la transparence et la science.
Ce travail sur l’indépendance professionnelle est central pour aborder de manière crédible la question des aliments ultra-transformés avec les patients, les collègues et les décideurs.
La série du Lancet confirme que les aliments ultra-transformés représentent un déterminant majeur de la santé. Pour les professionnels de santé, défendre une santé indépendante des intérêts financiers signifie reconnaître les influences industrielles, s’appuyer sur des sources fiables, renforcer l’autonomie des patients et soutenir des environnements alimentaires qui protègent la santé plutôt que les profits.
➡ Partager une éthique de l’indépendance, est-ce essentiel pour vous ? Vous pouvez soutenir cette démarche en signant la Charte du Formindep.
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