Dans un communiqué du 08 octobre 2013, le laboratoire Pharmaceutique Roche annonce que l’étude EDIFICE menée par un comité scientifique indépendant a montré que « La controverse
[sur l’intérêt des mammographies systématiques] a un impact modeste sur les intentions de dépistage des femmes ». Quels sont les trois acteurs de ce communiqué ? Il s’agit du laboratoire Roche, de l’étude EDIFICE, et de la controverse. – Le Laboratoire Roche commercialise des médicaments et des tests sanguins destinés au traitement, au diagnostic ou au suivi du cancer du sein. http://www.roche.fr/home/nos_medicaments/oncologie.html – EDIFICE (Etude sur le dépistage des cancers et ses facteurs de compliance) a pour objectif « d’agir pour favoriser le dépistage précoce des cancers et notamment ceux du sein, du colon et de la prostate. » – Une controverse est un débat scientifique qui bouscule les idées reçues et les données qui semblaient acquises ; elle peut induire des changements radicaux et utiles dans les pratiques et les prescriptions. Lorsqu’une firme pharmaceutique s’intéresse à une controverse c’est généralement pour protéger ses intérêts. L’enjeu que Roche défend est la participation de 80% des femmes à une action de santé qui permettra de réaliser de nombreuses radiographies, échographies, dosages de marqueurs sanguins et d’examens de cytologie, puis de traiter de nombreuses femmes, par de la chirurgie, de la radiothérapie et de la chimiothérapie. Ce communiqué de presse défend d’autres intérêts moins lisibles. Intéressons-nous aux membres de ce comité scientifique présenté comme indépendant. Il est composé de plusieurs médecins : « Pr Jean-Yves Blay, Dr Yvan Coscas, Pr Jean-François Morère, Pr Xavier Pivot, Pr François Eisinger, Dr Jérôme Viguier. » Cherchons maintenant les liens d’intérêts de ces confrères qualifiés d’indépendants par le laboratoire Roche. A minima, voici ce que nous trouvons : – Le Professeur Jean-Yves Blay est, d’après sa déclaration publique d’intérêt (DPI) de l’Institut National du Cancer (INCa), membre du conseil scientifique international de l’INCa. Il est par ailleurs consultant et investigateur principal pour divers laboratoires pharmaceutiques dont le laboratoire Roche, desquels il reçoit régulièrement des rémunérations personnelles. – Le Docteur Yvan Coscas est rémunéré par le laboratoire Roche pour l’étude EDIFICE depuis 2005. Il est membre du comité de l’étude CALISTA. – Le Professeur Jean-François Morère est leader d’opinion pour l’erlotinib, un médicament anticancéreux de Roche, médicament pour lequel Roche, d’après La Revue Prescrire, a pu compter sur les faveurs de l’EMEA (l’agence européenne du médicament). Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE. – Le Professeur Xavier Pivot est, d’après sa DPI de l’INCA de 2011, président du groupe recherche clinique sein de l’INCa, consultant pour Roche, membre de comités de pilotage de médicaments Roche, investigateur principal de Roche pour des médicaments indiqués dans divers cancers notamment ceux du sein et du cancer colo-rectal. Roche a également pris en charge des frais de déplacements un congrès aux USA. Il est le coordonnateur de l’étude PHARE, promue par l’INCa, qui évalue l’un des traitements majeurs de Roche : le trastuzumab (Herceptin ®). Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE. – Le Professeur François Eisinger, est d’après sa DPI de l’INCA de 2011, expert auprès de l’INCa, consultant rémunéré depuis 2003 par Roche pour une enquête sur le dépistage et pour la rédaction d’article depuis 2008, et effectue pour Roche des interventions dans différents congrès internationaux. Il est également rémunéré par le laboratoire Roche pour sa participation à l’étude EDIFICE. – Le Docteur Jérome Viguier, est d’après sa DPI, détaché à l’INCa depuis 2006. Il est depuis 2013, directeur adjoint au pôle santé publique et soins de l’INCa. Il est membre du conseil scientifique d’EDIFICE de Roche depuis 2007, pour lequel il s’est dessaisi de ses honoraires. Les intérêts de Roche, de ces experts et de l’INCa sont donc étroitement intriqués, et le mot « indépendant » pour qualifier le comité scientifique de l’étude EDIFICE ne paraît pas adapté. Le laboratoire Roche ne fait qu’atteindre ses objectifs, comme il l’écrit lui-même : « Le fait que la branche pharmaceutique du Groupe Roche (Roche Pharma) propose des médicaments oncologiques a facilité la transition vers les nouveaux tests. Les conseillers scientifiques biomarqueurs de Roche Pharma accompagnent les plateformes, en coopération étroite avec Roche Diagnostics. « Avoir un interlocuteur privilégié et pouvoir faire le lien entre le diagnostic et les médicaments est très enrichissant ». » La Revue Prescrire du 01 novembre 2012 relate qu’une inspection de routine menée en 2012 pour le compte de l’Agence européenne du médicament (EMA) a révélé que la firme Roche n’avait pas analysé ni transmis aux agences du médicament plus de 80 000 cas suspectés d’effets indésirables, dont plus de 15 000 chez des patients décédés. Le procès de l’affaire Médiator®, met en lumière le danger de la confusion des intérêts d’une firme pharmaceutique avec ceux d’une agence sanitaire. Aussi le comportement de l’INCa et de ces experts est-il particulièrement surprenant et inquiétant. Philippe Nicot est médecin généraliste à Panazol, conventionné en secteur 1. Il a refusé le paiement à la performance (ROSP). Il a participé à la recommandation de la HAS « La participation au dépistage du cancer du sein des femmes de 50 à 74 ans en France. Février 2012. » Il participe à la controverse sur ce thème. Il est membre du conseil d’administration du Formindep. Son épouse est médecin conseil à l’ELSM 87.
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