Les conflits d’intérêts en santé : aspects éthiques et moraux
Le conflit d’intérêts d’un professionnel de santé existe lorsque ce dernier fait prévaloir un intérêt secondaire (soi-même, pouvoir, influence, carrière, avantage, gain financier…) sur l’intérêt primaire (la santé du patient pour un soignant, la transmission d’informations valides pour un enseignant, une recherche clinique pertinente et valide pour un chercheur clinicien…).
Les conflits d’intérêts en santé constituent un risque sanitaire évitable.
Pour un soignant, un enseignant, un chercheur en santé, mettre en œuvre des mesures efficaces pour se protéger des conflits d’intérêts est à plusieurs titres une exigence morale et éthique :
- au titre du professionnalisme du professionnel de santé attendu par le patient et la société : le professionnel de santé a la responsabilité d’identifier les risques sanitaires induits par les pratiques soignantes et d’en protéger les patients, les conflits d’intérêts constituent une part croissante évitable de ces risques.
- au titre du contrat implicite qui lie le patient au soignant tel que l’exigent explicitement le serment Hippocrate et les textes législatifs et réglementaires. Ils affirment que le professionnel de santé travaille dans l’unique intérêt de la santé du patient.
La relation de soins entre un patient et un soignant n’est pas seulement une relation entre un usager et un prestataire de service. De fait le patient est dans une situation de dépendance au soignant à cause de sa vulnérabilité induite par la maladie. Les textes législatifs (loi de démocratie sanitaire de 2002), le développement des associations de défense de droits des usagers de soins, la démocratisation et l’accessibilité des informations en santé tendent à gommer cette dépendance autant que possible et à mettre sur un pied d’égalité le soignant et le soigné.
Malgré tout, l’asymétrie de la relation persiste.
C’est dans ce contexte que le contrat implicite qui lie le soignant et le patient reconnait que le professionnel de santé visera à répondre à l’intérêt primaire en mettant tout en œuvre pour assurer des soins du patient dans l’unique intérêt de sa santé. Il ne se soumettra pas à un intérêt secondaire. Pour le soignant, viser à se protéger des situations de conflits d’intérêts est donc bien une question qui relève de l’éthique du soin.
- au titre du respect de l’intérêt collectif mis à mal par les conflits d’intérêts au sein des institutions (agences de santé, autorités de régulations, HAS, sociétés savantes…). Un grand nombre de textes législatifs ont pour objet la transparence et l’indépendance des décisions en santé (lois sur la prise illégale d’intérêt, le trafic d’influences, la transparence et l’indépendance des institutions et de l’expertise…). Le respect et l’application de ces lois constituent pour les soignants et les institutions une question et une obligation morale.
- Code de déontologie
Article 3 – Principes de moralité et de probité (article R.4127-3 du CSP)
Article 5 – Principe d’indépendance (article R.4127-5 du CSP)
Article 26 – Principe d’indépendance (article R.4127-26 du CSP)
- Code de la Santé Publique
Article L1452-1 : principe d’impartialité et de transparence de l’expertise
D 2013-413 : décret d’application de la loi Bertrand – Charte de l’expertise
- Code Pénal
Article 432-12 : prise illégale d’intérêt
- Soi-même comme un autre – Le soi et la visée éthique
Paul Ricoeur (1990)