Le Sunshine act, décret 2013-414 et le décret 2013-413 parus le 21 mai 2013 étaient censés permettre l’application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé en élaborant une charte de l’expertise sanitaire pour le premier et en précisant les conditions de la transparence des avantages consentis aux professionnels pour le second. Les textes des décrets, loin de renforcer l’indépendance de l’expertise et la transparence des avantages consentis, les déprécient.

Le scandale du Mediator° (500 à 2000 morts) est survenu après ceux de la grippe H1N1 (gaspillage des finances publiques, exposition sanitaire injustifiée des usagers de soin), du Vioxx° (20 000 décès aux USA), du sang contaminé… Il a été à l’origine du rapport et des propositions de l’IGAS, de la mission d’information du Sénat sur le Mediator° et dans une moindre mesure des propositions de la mission d’enquête de l’Assemblée nationale, ouvrant des perspectives pour une amélioration durable de la sécurité du médicament. _ Parmi les propositions faites, certaines méritaient une attention toute particulière : indépendance de l’expertise (relire notre communiqué Pour une école européenne de l’expertise sanitaire), formations initiale et continue indépendantes et non financées par les firmes, autorité indépendante de l’expertise (chargée du contrôle des déclarations publiques d’intérêts, des déclarations des avantages consentis par les firmes aux professionnels). _ La loi du 29 décembre 2011 a été écrite sans tenir compte de toutes ces propositions, et présente beaucoup de déclarations d’intentions sans mettre en place les moyens de libérer durablement l’expertise sanitaire des influences industrielles. Ainsi, pour les chapitres sur l’indépendance de l’expertise et la transparence des avantages, la loi s’en remet à la parution de décrets d’application dont deux d’entre eux nous intéressent plus particulièrement : le décret 2013-413 chargé d’élaborer une charte de l’expertise sanitaire et le décret 2013-414 devant préciser les conditions de transparence des avantages consentis aux professionnels de santé. _ Le législateur n’a pas prévu d’autorité indépendante de l’expertise et s’en remet à la création d’une commission éthique au sein de chaque agence pour contrôler la véracité des déclarations d’intérêts dont les conditions de fonctionnement doit être précisées par décret encore en attente de publication. Ainsi la loi prévoit que chaque agence soit juge et partie!

Le décret 2013-414 sur la transparence des avantages consentis

<img1083|left> Le Formindep a été le témoin de l’action des lobbies industriels au sein du groupe de travail de la direction générale de la santé chargé de participer à l’écriture du décret 2013-414 sur la transparence des avantages. Le projet initial écrit par le ministère de la santé a ainsi été profondément remanié dans le sens de l’opacité et de l’inefficacité d’une transparence uniquement de façade. _ Ainsi, le pouvoir exécutif n’a pas respecté le cadre et les termes de la loi en : – prévoyant d’exclure de l’obligation déclarative les conventions et contrats salariés des professionnels avec les firmes, – prévoyant d’exclure de l’obligation déclarative les firmes commercialisant ou produisant des produits cosmétiques, de tatouages et des lentilles de contact non correctrices, – renvoyant aux calendes grecques et à la parution d’un arrêté ministériel les conditions de fonctionnement d’un site public d’hébergement des déclarations des avantages des professionnels. Le pouvoir exécutif a choisi aussi de fixer un seuil à la valeur de l’avantage à déclarer, comme si l’influence des petits cadeaux était négligeable, en contradiction totale avec les données scientifiques

[[A Social Science Perspective on Gifts to Physicians From Industry – Jason Dana, George Loewenstein. JAMA, July 9, 2003 – Vol 290, No. 2.]] Ces points de critiques ont déjà été exposés par le Formindep dans son éditorial du 23 mai 2013 et dans le communiqué de presse conjoint d’Europe et Médicament.

Le décret 2013-413: charte de l’expertise sanitaire

L’écriture du décret 2013-413 ou charte de l’expertise sanitaire voulue par le législateur est passée inaperçue jusqu’à maintenant. Cependant sa mise en œuvre est lourde de conséquences puisqu’elle modifie la définition de l’expertise sanitaire telle que le législateur l’a intégrée à l’Article L1452-1 du Code de la santé publiqueL’expertise sanitaire répond aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et du contradictoire». Le décret, de manière très surprenante, fait référence à l’expertise décrite par la norme Afnor NF X 50 – 110 qui relativise l’exigence d’objectivité. La charte a permis par de subtils glissements sémantiques de dénaturer et dévaloriser les notions de liens et conflits d’intérêts, laissant toute latitude aux agences de santé et à la HAS pour s’autoréguler en définissant elles-mêmes les conditions pour faire appel à des experts sous influences. La charte ne retient comme liens d’intérêts que ceux dont l’objet est directement en rapport avec l’objet de l’expertise. Pour la charte de l’expertise sanitaire un expert recevant des honoraires d’ une entreprise pour un objet autre que celui du produit santé expertisé mais pourtant produit par la dite entreprise, n’est pas considéré comme étant en situation de conflit d’intérêts ! Cette analyse est développée dans le mémoire de la requête déposée au Conseil d’Etat. Après les scandales sanitaires à répétition de ces dernières années et les déclarations d’intention de tout bord qui ont suivi, nous pouvions espérer mieux.

Le dépôt des deux requêtes au Conseil d’Etat contre les décrets et l’appel à souscription

Nous assistons à la déliquescence de l’Etat et de l’intérêt commun. Elle contribue à maintenir l’exposition de la population aux risques sanitaires pourtant évitables au profit d’autres intérêts que ceux de la santé des personnes. C’est la raison de l’action citoyenne que le Formindep entreprend en déposant le 22 juillet 2013 les requêtes en annulation de ces deux décrets pour qu’ils ne limitent ni la transparence des avantages reçus par les professionnels de santé, ni les moyens d’assurer l’indépendance de l’expertise. _ Les mémoires de ces deux requêtes peuvent être consultés ici pour le décret 2013-413 et ici pour le décret 2013-414 Le Formindep déplore ne pouvoir agir sur le seuil de 10 € à partir duquel les montants des avantages consentis aux professionnels devront être déclarés. Il s’agit en effet d’une décision prévue par le texte de loi et fixée par le décret 2013-414. Cette action pour le bien collectif a un coût important. Pour la financer en toute transparence, nous avons choisi de faire appel à une souscription . Le détail de cet appel à souscription est accessible ici. Les souscripteurs seront informés au fur et à mesure de l’avancée de la procédure qui devrait durer de 9 à 18 mois. L’association Formindep remercie toutes celles et tous ceux qui porteront avec elle cette action. L’association Formindep a confiance dans les suites qui seront données au dépôt de ces deux requêtes grâce au dossier sérieux constitué en étroite collaboration avec Maître FAU, l’avocat à la cour que l’association avait déjà mandaté pour des actions antérieures menées avec succès de 2009 à 2011. Le législateur et l’Etat responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre de la santé publique devraient être au service de l’intérêt de la santé de la population. L’analyse de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé et celle de ses deux décrets 2013-413 et 2013-414 montrent qu’il n’en est rien. La sécurité sanitaire de la population n’est pas assurée. Attaquer ces deux décrets au Conseil d’Etat est donc un acte citoyen de défense de la santé publique que l’association Formindep entend pleinement assumer. Contact Presse : Philippe MASQUELIER Tel +(3)6 89 63 19 10 – p.masquelier@formindep.org <doc1091|center> <doc1090|center>