Un débat passionnant dans le numéro du New England Journal of Medicine (NEJM) du 12 juin 2008 où sont présentés deux essais cliniques apparemment contradictoires : – l’étude ACCORD montre une augmentation du nombre de décès chez les diabétiques de type 2 traités intensivement pour faire baisser l’hémoglobine glyquée. A un point tel que l’étude a été arrêtée au bout de 3,5 ans au lieu des 5 initialement prévus. – l’étude ADVANCE montre que chez les diabétiques de type 2 traités intensivement, particulièrement par le Diamicron° à Libération Modifiée, il y a une diminution du risque cardiovasculaire, selon un critère global mélangeant événéments macrovasculaires et microvasculaires.

On est bien avancé !

Alors, on les soigne intensivement ou on les soigne pas intensivement, les diabétiques de type 2 ? Même les éditorialistes du NEJM semblent avoir du mal à se mettre d’accord…

[ [Intensive Glycemic Control in the ACCORD and ADVANCE Trials et Glycemic Targets and Cardiovascular Disease ]] Toutefois, des indices peuvent nous mettre la puce à l’oreille. Profitez-en, tous ces articles sont en libre accès. Le NEJM est une revue qui sait communiquer. Quand on est formindepien aguerri, on se précipite sur les déclarations d’intérêts des auteurs, et le financement des études, à la fin des articles. Accord est financé par un tas de structures sanitaires officielles ou plus ou moins savantes, et un non moins grand nombre de firmes a offert le matériel et les médicaments. Les auteurs mangent à tous les rateliers, comme d’habitude, chez les experts. Advance est financé par la firme Servier, qui commercialise le Diamicron° à Libération Modifiée, médicament de référence de l’étude, et accessoirement aussi le Prétérax°, association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion et d’un diurétique, l’indapamide, également utilisé dans l’étude. Les auteurs ont également des liens d’intérêts longs comme le bras. On se dit alors que, bon, du côté d’Advance, la dimension promotionnelle est plus que probable. Compte tenu du marché pléthorique des médicaments équivalents au Diamicron° et au Prétérax°, il faut bien essayer de se différencier par une étude publiée dans une “prestigieuse revue internationale de référence“. Continuons avec Advance qui montre une diminution du risque cardiovasculaire pour le critère principal de l’étude, qui mélange risques macrovasculaires et microvasculaires. Mais quand on sépare les deux risques : rien de nouveau. En fait la diminution globale du risque du critère principal est due essentiellement à la baisse de la microalbuminurie qui diminue le risque de néphropathie. Donc, on est bien dans une étude promotionnelle : il ne se passe rien de nouveau, mais quand on mélange dans un critère artificiel des événements différents, on finit par trouver une différence globale due essentiellement à une diminution déjà connue d’un risque. Après c’est une affaire de communication. Les visiteurs médicaux de Servier et leurs leaders d’opinion connaissent leur mission : objectif Diamicron° (à Libération Modifiée attention ! [[Eh oui, pas le vulgaire et démodé Diamicron° normal, qui est génériquable depuis les années 80. Le Diamicron° à Libération Modifiée, c’est une nouvelle race de Diamicron°, plus cher et plus “innovant”; c’est surtout celui qui a été modifié non pas pour être plus efficace, mais pour prolonger le brevet jusqu’en 2010.]]) et Prétérax°. En Advance, marche ! Pour Accord, c’est différent. Les choses ont l’air plus sérieuses, et on se dit que là, il se passe peut-être quelque chose. En fait c’est le tableau 1 du premier éditorial qui aide à comprendre les choses. Quand on regarde les traitements administrés dans chaque groupe de l’étude, groupe intensif versus groupe contrôle, on s’aperçoit que tous ont reçu en gros les mêmes traitements, évidemment un peu plus pour le groupe intensif. Mais il y a quand même une classe de médicament que les patients du groupe intensif ont reçu beaucoup plus que ceux du groupe contrôle. C’est… Devinez quoi ? Mais les glitazones, bien sûr !!! et presque exclusivement de la rosiglitazone (Avandia° et Avandamet° de la firme GSK) nous dit-on. On retourne alors aux déclarations des liens d’intérêts où on s’aperçoit que la firme Takeda qui commercialise l’autre glitazone sous la marque Actos° est singulièrement absente de la liste des firmes. L’étude Accord serait-elle une tentative ratée de GSK de promouvoir sa glitazone ? On ne le saura sans doute pas, et c’est à vrai dire peu probable. Mais on imagine aisément ce que la firme aurait dit si l’étude avait été positive. Evidemment, vous me direz que suspicion ne vaut pas preuve et que je vois le mal partout avec mon esprit déformé, mais franchement ça n’incite pas vraiment à prescrire des glitazones. Mais on le savait déjà bien largement [[voir les nombreux articles sur le site du Formindep: – Periscope et Stradivarius : la recherche médicale au service du marketing – [Avandia® – rosiglitazone : restrictions drastiques au Canada Que fait l’AFSSAPS en France ?->149] – [Rosiglitazone – Avandia® Un médicament de la firme GSK aurait provoqué des dizaines de milliers de crises cardiaques->146]. ]] , et si cette étude ne prouve pas la nocivité des glitazones, elle rajoute quand même une “evidence“, une pièce à conviction supplémentaire, à ce dossier qui ne cesse de s’alourdir.

Alors, en pratique on fait quoi ?

Eh bien, là-dessus les éditoralistes du NEJM tombent d’accord, et moi aussi avec eux : on ne change rien pour l’instant ! On continue à gérer le risque cardiovasculaire des diabétiques de type 2 : statines, antihypertenseurs, antidiabétiques à commencer par la metformine, et surtout en promouvant avant les médicaments LA DIETETIQUE et L’HYGIENE DE VIE (de l’activité physique et pas de tabac). On continue à ne pas prescrire de glitazones. Et on continue à dire m…. à la VM, à la frime des firmes, à leur formations et à leurs congrès de rabattage médical [comme [celui-là, par exemple.]], et aux leaders d’opinion, de Servier ou d’ailleurs.